Tuesday, September 22, 2009

Pantophobie (2e Partie)

Pantophobie : peur de tout.

Maintenant que Satan est rentré chez lui et que nous avons pu reconstituer un comité de direction digne de ce nom, reprenons notre histoire de pantophobie.

"D" se retrouvait donc sans personne à qui parler. Son fils, Jésus, venait d'etre expédié aux Enfers pour avoir exprimé à haute voix le mot interdit. Se sentant un peu redevable, "D" décida d'aller le repecher.

- Tiens. Toi. Ici. Qu'est ce que tu fais là ?
- Je suis venu te sortir d'ici. Mais ne compte pas sur moi pour te donner un coup de main à chaque fois que tu feras une connerie...
- Promis. Comment t'as fait pour me retrouver ?
- J'ai mes entrées. Suffit de glisser un petit bifton discrètement à St Pierre et il te fait passer par l'Autre porte, ni vu ni connu...
- C'est un ami à toi, ça, St Pierre ?
- Ce sera plutot un ami à toi. Mais passons. Faut qu'on y aille.
- Attends, je me suis fait des amis ici. Tu peux rien faire pour eux ?
- C'est qui tes nouveaux amis ?
- Bein, y a mes potes de corvées : Ulysse, Dante, Faust, Orphée et sa femme, Eurydice. Et puis y a le petit teigneux... comment c'est déjà ? Ah oui, Adolf, c'est ça. Adolf.
- Je vais voir ce que je peux faire, mais je peux rien garantir...

Après d'apres négociations auprès des responsables - son frère étant aux abonnés absents, "D" dut convaincre des sous-fiffres : Lucifer, Hadès, Pluton, Belzébuth. Ce qui lui couta quelques miracles.

Sur le trajet qui les ramena sur Terre, tout se passa bien, jusqu'à ce qu'Orphée ne découvre qu'Eurydice avait couché avec Adolf la nuit précédente. Jésus voulu s'interposer pour éviter que l'on en vienne aux mains. En vain. Orphée mit une branlée à Adolf qui resta au sol, levant un regard haineux vers son compagnon d'aventure. L'ambiance était tendue. Personne n'osait rien dire, et "D", leur guide, commençait à perdre patience en les invitant à reprendre la route. Le soleil allait bientot se coucher et il n'avait pas que ça à faire, reconduire une bande de gredins chez eux. C'est qu'il lui restait encore des milliards d'individus à rencontrer, et ça ne se fait pas comme ça, en un tour de main. Il avait eu une longue conversation avec le Père Noel à ce sujet. D'autant que la tache n'etait pas sans risque. Certains individus vous accueillaient parfois avec une batte de base-ball.

Dante de son coté comptait. Quand on lui demandait quoi, il répondait évasivement "Des cercles. Ne les vois tu point ?"

Ulysse ne pensait qu'à rentrer pour retrouver sa femme Pénélope et son fils Télémaque. Cela faisait plusieurs années qu'il était parti de chez lui sans donner la moindre nouvelle.

Faust restait muet. Il se contentait de contempler avec des yeux grands ouverts tout ce qui l'entourait.

C'est Jésus qui prit en premier la parole.

Jésus :
Vous allez arreter vos enfantillages ? Mon Père est déjà bien sympa de vous sortir de ce trou, vous pourriez vous comporter en adultes et garder pour vous vos rancoeurs jusqu'à ce que l'on soit arrivé. C'est la moindre des choses...

Adolf :
Fils à papa ! Occupe toi de tes affaires !

Jésus :
Répète un peu pour voir ?

Ulysse :
Laisse tomber, Jèz' ! Il en vaut pas la peine. De toute façon, j'ai jamais pu le sentir le nain...

Adolf :
Pourquoi il la ramène l'intello ? Meme pas capable de passer un petit coup de fil en dix ans à sa femme pour lui dire qu'il l'aime...

Ulysse :
Tu vas la fermer toi, sinon...

Adolf :
Sinon quoi ? Tu crois que tu me fais peur avec ton petit cheval en bois que tu trimballes partout ? Pitoyable...

Dante :
Neuf ! Il y en a neuf !!!

"D" :
ASSEZ !!! Ca suffit ! Vous prenez votre bardat et on reprend la route ! Compris ! Sinon c'est moi qui vais m'énerver et franchement, ce n'est pas ce que vous souhaitez...

Jésus :
T'as raison Papa. Je te prie de nous excuser...

Adolf (tout bas, seul Jésus peut l'entendre)
Fils à papa...

Jésus
C'est la bagarre que tu veux ? Ca t'a pas suffi de te prendre une branlée par Orphée ? Tu veux aussi t'en prendre une par chacun de nous ?!?

Adolf :
Meme pas peur. Tu verras quand je serai le maitre du Monde. Toi et les tiens, je vous pourchasserez jusqu'au dernier !

Une fois Adolf au sol pour la seconde fois, ils reprirent la marche. Orphée marchait devant, à coté de "D". Déjà la frontière avec la Terre commençait à prendre forme. Ils n'étaient plus très loin.

Orphée :
Dites, Monsieur, vous pourriez pas faire quelque chose pour moi ?

"D" :
Ca dépend. Que veux-tu ?

Orphée :
C'est au sujet de ma femme, Eurydice. Je sais pas si vous avez suivi, mais elle m'a trompé hier soir, ce qui remet pas mal en cause mon amour pour elle. Alors voilà. Comme il parait que vous etes fortiche pour faire plein de trucs bizarres, je me demandais si vous ne pourriez pas...

Et il lui expliqua ce qu'il attendait de lui. Et "D", qui avait eu le temps de devenir mysogine depuis qu'il avait rencontré tant et tant d'humains, accepta.

Quand ils franchirent la frontière, tout se passa très vite. "D" ouvrait la marche. Il commençait à tapotter sur sa cape afin de la dépoussiérer quand Dante passa le seuil des Enfers, un carnet de notes à la main. Puis ce fut Jésus, qui ouvrit ses bras en croix pour accueillir le soleil couchant lui caresser tendrement le visage. Ulysse ensuite, d'un pas assuré, grimpa les dernières marches le séparant de la Terre et alla s'asseoir contre une souche d'arbre. Orphée était encore à deux mètres de la frontière quand il fit un signe discret à "D", suite à quoi ce dernier balbutia quelques mots incompréhensibles. Simultanément, Eurydice se transforma en statue de sel. Faust, qui jusque là n'avait encore rien dit, se trouvait exactement sur la ligne de démarcation entre Enfers et Terre. Devant la beauté du spectacle (personne ne sait réellement si c'est en voyant la transformation d'Eurydice ou la beauté du coucher de soleil qu'il n'avait pas revu depuis si longtemps), il s'écriat : "Arrete toi, Instant, tu es si Beau". Ce sur quoi on entendit un rire diabolique surgir des profondeurs de la Terre, celui de "S" refaisant surface et emportant en un éclair Faust avec lui. Adolf, le souffle coupé, était le dernier à ne pas etre remonté sur Terre. Il se mit à paniquer et à courir en criant "Attendez moi ! Attendez moi ! Je ne veux pas rester ici !" Dans sa course, il se prit une branche et tomba. Tout le monde se mit à rire malgrè les derniers instants aux allures dramatiques. Y compris la statue de sel d'Eurydice, Adolf l'aurait juré. Voyant que personne ne viendrait l'aider, et les Portes de l'Enfer se refermant, il se mit à ramper désespérément, tel un lombric pris de panique, dans une chorégraphie frénésique ridicule. Personne ne l'attendit. Ils tournèrent tous les talons, en riant à chaudes larmes devant le spectacle qui leur avait été donné de voir, persuadés que le nain serait perdu à jamais et qu'il tiendrait compagnie à Eurydice pour l'Eternité. C'est alors qu'Adolf saisit la main providentielle qui lui était tendue. C'etait celle de "S".

- Alors voilà, si je t'ai sauvé, mon petit bonhomme, c'est que j'ai un poste qui vient juste de se libérer...ca te dit ?

Dieu continua sa tournée. Cela dura fort longtemps et ne fut pas sans quelques difficultés. En effet, à chaque fois qu'il rencontrait quelqu'un, il influait sur le cours du temps, de sorte que certaines personnes qu'il avait déjà rencontrées n'existeront jamais et que de nouvelles personnes s'ajoutaient sur sa liste en permanence qui n'auraient jamais vu le jour sans la présence de "D"sur Terre. Si 95% de la population était historiquement figée, 5% était aléatoire et ces 5% étaient les plus difficiles à rencontrer.

Au fur et à mesure de ses rencontres, "D" était de plus en plus craintif. A chaque rencontre anodine, son appréhension allait croissante. Combien de livres, de fer à repasser, d'eaux minérales, de coquillages... avait-il reçu en pleine figure ? Il n'aurait su le dire avec exactitude, mais une chose était certaine : beaucoup trop. Il se promenait en tremblant, les mains portées devant son visage pour se protéger, tel un chien battu apeuré du moindre bruit. Tout autour de lui lui inspirait de la peur. Il devint pantophobe. A la fin de sa tournée, "D" était fourbu, diminué physiquement, atteint psychologiquement. Il avait affronté tant de rejets, tant d'injustice, tant de violence, qu'il s'etait mis à ne plus croire en l'homme. "D" se surprit meme à les hair. Tout ce qui grandissait sur Terre était bel et bien pourri, et sans doute son frère y était-il pour quelque chose.

Sa tache achevée, il rentra chez lui, et s'y enferma pour ne jamais en ressortir. Il voulut se venger de ces humains qui l'avaient tant humilié, lui, leur Créateur, et fit s'abattre sur Terre toutes les phobies possibles et imaginables, afin que au fond, mine de rien, les hommes continuent de croire en Lui.

Un jour, "S" vint lui rendre visite.

- Alors, content de toi ?
- Bof...
- Je t'avais pourtant prévenu que c'était une connerie cette tournée...
- Je sais. T'avais raison. Comme toujours.
- Bon, on en est où ?
- C'est à toi de jouer. Je viens de roquer...

No comments:

Post a Comment