Thursday, September 17, 2009

Pantophobie (1ere Partie)

Pantophobie : peur de tout.

"D" (pour des raisons évidentes de confidentialité nous tairons le nom de la personne) était un créateur. En six jours, il créa le monde, la Nature, les Animaux, les Hommes. Certains à son image, d’autres, hélas, un peu moins. Comme tout Créateur, il commit des erreurs. Des tas d’erreurs, parmi lesquelles la folie, la vengeance, la haine, la rage, le désir, la gourmandise, la luxure, l’égoïsme, le narcissisme, la bêtise, le vice, la méchanceté… une liste inépuisable de bassesses et autres petitesses imparfaites. Il se promit de faire mieux la prochaine fois.

Ses créatures le lui rendirent. Elles comprirent qu’il s’était franchement moqué d’elles, en long en large et en travers. Et le respect qu’il méritait se transforma peu à peu en mépris. Voire en ignorance. L’éternelle injustice ! Renié, lui, Créateur de toutes choses. Il ne pouvait pas le supporter plus longtemps. Aussi descendit-il de sa montagne pour aller rencontrer ses Enfants et leur expliquer… Ce fut une erreur supplémentaire !

Il commença par rencontrer ses premiers humains, au hasard. Il n'avait pas vraiment prévu leur réaction. "D" était du genre à avancer à l'instinct. Pas de plan. Pas de destin. Juste du feeling. Et du feeling, il en manqua sérieusement au milieu de ses Moutons. L'accueil ne fut pas à la hauteur de ses espérances quand il tenta de leur faire comprendre que s'ils étaient là, c'était un peu grace à lui, quand meme. C'est vrai, quoi...tous des ingrats.

Pour sa première rencontre, il s'approcha d'un pecheur qui rentrait de sa journée avec ses maigres prises du jour.

- Bonjour mon brave ! Comment allez-vous ? Belle journée, non ?
- T'es qui toi ?
- Et bien justement, cela tombe bien que vous me posiez la question. Figurez vous que je suis votre Père !
- Pardon ? Qu'est ce que tu viens m'emmerder avec tes conneries ! Dégage de mon chemin, vieillard, j'ai pas que ça à faire...
- Mais... je vous assure. Vous me devez la vie.
- C'est quoi ton problème mon gars ? J'ai déjà un paternel. Remarque, je serais pas contre l'échanger, mais on choisit pas sa famille, pas vrai ?
- Vous faites fausse route. Je suis votre Père. Comme toute chose qui nous entoure.
- Bein voyons. Et moi, j'suis l'Pape, peut etre ? Pourquoi c'est moi que tu viens emmerder ?!?
- Croyez-moi, c'est un heureux hasard. Je descendais de ma montagne, ressentant le poids de la solitude et du manque de reconnaissance et vous etes le premier de mes Fils que je croise.
- Il a fallu que ca tombe sur moi. T'as pas mieux à faire qu'à faire perdre leur temps à d'honnètes gens ? Tiens, t'as qu'à aller voir la Marie. Elle s'emmerde grave depuis que son mari, Joseph, la délaisse pour son boulot. C'est la maison là-bas.
- Mais ce n'est pas Marie que je suis venu voir. C'est vous...
- Mais tu me veux quoi à la fin ?!?
- Je ne sais pas trop... vous convaincre peut etre...
- Tu m'as convaincu. Tu m'as convaincu que t'es félé, et si tu me laisses pas tranquille maintenant, tu vas tater de mon poisson...
- Je vous en prie, écoutez moi encore un peu. J'ai besoin de vous parler. Je ne supporterais pas un échec avec mon premier Enfant.
- Tu vas te taire, oui ?

Et le pecheur de lui assener un coup de morue sur le museau. "D", vexé et quelque part honteux, se mit à détaler pour se terrer à distance de sécurité du pécheur et de son ire.

Il rendit visite à Marie. Il faut savoir que "D" était un coureur de jupons reconnu parmi les siens. Il embobina donc Marie en un rien de temps et lui fit un enfant, dans le dos de Joseph, le mari. Doit on appeler cela de l'inceste ? Sans doute. Mais de regret, point. Si ce n'est sur la fin, quand Marie le remercia à coup de savate.

- Mais voyons mon Enfant, pourquoi me traitez-vous de la sorte ? N'avez-vous pas aimé la nuit que nous venons de passer ensemble ?
- T'es bien comme les autres ! Un petit coup et puis s'en va ! Espèce de salaud...
- Allons, ressaisissez vous, ma Chair. Je ne peux pas vous consacrer plus de temps. Je ne suis pas un Père exclusif. Je dois aller voir mes autres Enfants. Je ne voudrais pas de jalousie entre vous. Vous me comprenez, n'est-ce pas ? Vous avez déjà de la chance que vos charmes m'aient convaincu de rester toute la nuit à vos cotés. Ca et l'absence de votre mari - ça me fait penser, faudra que j'aille rendre visite à Joseph un de ces jours également...ça risque d etre un peu bizarre, non ? Après tout, je viens de féconder sa femme, et ce n'est pas encore le genre de choses bien acceptées parmi les votres, n'est-il pas ? Mais consolez vous, le pecheur d'hier a reçu moins d'égards de ma part - un vrai rustre celui-là, soit dit en passant. Vous le connaissez ? Figurez vous que, hier, alors que je descendais de ma Montagne, je tombe sur ce...
- ...Dehors !!!

L'avantage, quand on a tout créé, c'est qu'il n'y a pas de limite. "D" en profita pour voyager dans l'espace et dans le temps, afin de rencontrer tous les humains. Des dizaines de milliards d'humains répartis sur des siècles d'Histoire. Ah ! L'Histoire ! Cette belle farce que l'Histoire. S'il y a bien quelque chose de relatif, c'est bien elle. Le Temps aussi, c'est certain. Mais meme les humains finirent par s'en rendre compte. En revanche, l'Histoire, ils s'y accrochent avec une Foi surprenante. Après des mois d'errance et de rencontres, c'est perdu au coeur de ces pensées que "D" tombe sur son antonyme, "S" (de meme, pour des raisons de confidentialité, nous tairons le vrai nom de "S". Et puis aussi parce que "S" a menacé la Direction d'atroces souffrances si nous ne faisions ne serait-ce que mentionner son nom).

- Alors mon Vieux, tu t'amuses toujours autant ?
- Qu'est ce que tu veux ? Tu ne vois pas que je suis occupé ?
- A rencontrer tes Enfants ? Tu me fais rire...
- Tant mieux, mais moi au moins je fais quelque chose !
- A oui ? Figure-toi que moi aussi, je fais quelque chose...
- Tiens donc. Et que fais tu ? Pourrais-je savoir ?
- Mais certainement... Je t'observe mon grand. Et oui ! J'ai compté. 82.994.359. C'est le nombre de tes Créatures que tu as rencontrées jusqu'á présent. Il n'y a pas de plus grand spectacle que de voir tous les rateaux que tu te prends ! Je ne m'en lasse pas.
- Je ne me prends pas des rateaux...
- Tu appelles cela comment toi, quand tes Enfants t'accueillent à coups de morue, de savate, de timbres, de bouchons de champagne, de BDs ou de couteau ? T'as meme reçu des touillettes de cocktail en plein visage ! Des touillettes de cocktail ! Non, mais je te jure ! Je crois que c'était mon préféré celui-là. J'ai cru que j'allais en mourir de rire !
- C'est ça, amuse toi. Amuse-toi. En attendant, moi au moins je les fais réagir...
- Ca, pour les faire réagir...mais je t'en prie, surtout, ne t'arrete pas. Continue ton petit cirque. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas autant amusé. Meme quand je fais mes virées avec Belzébuth je ne rigole pas autant !
- Tu te moques. C'est Mal. Si j'en avais le pouvoir, je te punirais bien...
- C'est ça, va voir Moman encore une fois. Dis lui que ton frère t'embete. Fais un caca nerveux comme d'habitude.
- Idiot.
- Ah oui, c'est vrai, ça fait des années que Mère a arrété de prendre ton parti. Elle s'est bien rendu compte que t'étais un enfant pourri gaté et qu'il fallait un peu serrer la vis. Dis-moi, c'est pour ça que tu fais ta petite virée ? Pour impressionner Mère ?
- Je ne veux plus te parler. Tu es méchant !
- "Ouin...Maman...Frérot il est méchant..." Ah ! Ah ! Ah ! Tu sais quoi ? Je pense que si tu n'existais pas, il faudrait t'inventer... ma vie serait tellement ennuyeuse sans toi.
- Ca y est ? T'as fini ? J'ai plus important à faire qu'à te parler...
- T'as raison. Retourne à tes Moutons...

Ce que fit "D". Il avait besoin de se remonter le moral. "S" n'avait pas tort. Il avait réellement enchainé les rateaux. Ses humains le rejetaient. C'était insupportable. Mais il ne pouvait pas l'avouer devant "S", sinon, il était bon pour une nouvelle éternité de moquerie. Qui pouvait-il donc aller voir pour ne pas sombrer plus avant dans le spleen ? Il repensa à Marie... il se dit que ce serait peut etre drole d'aller voir Joseph. Au moins, il mériterait les insultes de celui-ci. Ce serait plus acceptable. Mais un échec acceptable serait malgré tout un échec de plus. Et puis il pensa à cet enfant qu'il fit à Marie. Comment s'appelait-il déjà ? A oui, Jésus. C'est ça. Jésus.

- Bonjour mon Fils.
- Qui t'es, Grand-Père ?
- Euh...ton Père.
- Ca fait du sens.
- Ah bon ?
- Et bien oui. Tu m'appelles "mon Fils" et tu prétends etre mon père. Ca se tient.
- Merci ! Merci ! Tu ne peux pas savoir combien tu me fais plaisir. Ainsi tu me crois ?
- J'ai pas dit ça. J'ai déjà un père. Joseph. Tu le connais ?
- Vaguement. Dois-je comprendre que tu me prends pour un mythomane ?
- Franchement ? Comprends moi, je ne veux pas t'offenser ni rien, mais mets toi à ma place. Un inconnu à la longue barbe blanche se pointe devant toi et te dit qu'il est ton père. Tu le croirais ?
- Dis comme ça, en effet, je n'y avais pas pensé.
- Allez papy, je t'écoute, crache ce que t'as à dire. Tu veux de l'argent, c'est ça ?
- Mais non, voyons. Pour qui me prends-tu ? Je ne fais pas la manche.
- Que veux-tu, alors ?
- La vérité ?
- Bien sur.
- Je veux que tu m'aimes !
- Pardon ?!?
- Tu as bien entendu. Je veux que tu m'aimes !

Clap, clap, clap. Quelques mètres derrière eux, une personne que reconnait aussitot "D" accompagne ses applaudissements d'un rire machiavélique.

- C'est qui, lui, tu le connais ?
- Lui ? C'est personne. C'est juste mon frère.
- Si je te comprends bien, c'est donc mon oncle ?
- Ne dis pas n'importe... euh... oui, c'est ça. C'est ton oncle. Aussi étrange cela puisse-t-il paraitre.
- Pourquoi dis tu que c'est étrange ? Si t'es mon père et que c'est ton frère, ça me parait logique à moi...
- Tu verras, quand les tiens se pencheront sur ton Histoire, ça te paraitra un peu bizarre aussi...
- Ca t'en...

... Aaaaarrgggh !!!!!!!!!!!!

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