Tuesday, September 22, 2009

Pantophobie (2e Partie)

Pantophobie : peur de tout.

Maintenant que Satan est rentré chez lui et que nous avons pu reconstituer un comité de direction digne de ce nom, reprenons notre histoire de pantophobie.

"D" se retrouvait donc sans personne à qui parler. Son fils, Jésus, venait d'etre expédié aux Enfers pour avoir exprimé à haute voix le mot interdit. Se sentant un peu redevable, "D" décida d'aller le repecher.

- Tiens. Toi. Ici. Qu'est ce que tu fais là ?
- Je suis venu te sortir d'ici. Mais ne compte pas sur moi pour te donner un coup de main à chaque fois que tu feras une connerie...
- Promis. Comment t'as fait pour me retrouver ?
- J'ai mes entrées. Suffit de glisser un petit bifton discrètement à St Pierre et il te fait passer par l'Autre porte, ni vu ni connu...
- C'est un ami à toi, ça, St Pierre ?
- Ce sera plutot un ami à toi. Mais passons. Faut qu'on y aille.
- Attends, je me suis fait des amis ici. Tu peux rien faire pour eux ?
- C'est qui tes nouveaux amis ?
- Bein, y a mes potes de corvées : Ulysse, Dante, Faust, Orphée et sa femme, Eurydice. Et puis y a le petit teigneux... comment c'est déjà ? Ah oui, Adolf, c'est ça. Adolf.
- Je vais voir ce que je peux faire, mais je peux rien garantir...

Après d'apres négociations auprès des responsables - son frère étant aux abonnés absents, "D" dut convaincre des sous-fiffres : Lucifer, Hadès, Pluton, Belzébuth. Ce qui lui couta quelques miracles.

Sur le trajet qui les ramena sur Terre, tout se passa bien, jusqu'à ce qu'Orphée ne découvre qu'Eurydice avait couché avec Adolf la nuit précédente. Jésus voulu s'interposer pour éviter que l'on en vienne aux mains. En vain. Orphée mit une branlée à Adolf qui resta au sol, levant un regard haineux vers son compagnon d'aventure. L'ambiance était tendue. Personne n'osait rien dire, et "D", leur guide, commençait à perdre patience en les invitant à reprendre la route. Le soleil allait bientot se coucher et il n'avait pas que ça à faire, reconduire une bande de gredins chez eux. C'est qu'il lui restait encore des milliards d'individus à rencontrer, et ça ne se fait pas comme ça, en un tour de main. Il avait eu une longue conversation avec le Père Noel à ce sujet. D'autant que la tache n'etait pas sans risque. Certains individus vous accueillaient parfois avec une batte de base-ball.

Dante de son coté comptait. Quand on lui demandait quoi, il répondait évasivement "Des cercles. Ne les vois tu point ?"

Ulysse ne pensait qu'à rentrer pour retrouver sa femme Pénélope et son fils Télémaque. Cela faisait plusieurs années qu'il était parti de chez lui sans donner la moindre nouvelle.

Faust restait muet. Il se contentait de contempler avec des yeux grands ouverts tout ce qui l'entourait.

C'est Jésus qui prit en premier la parole.

Jésus :
Vous allez arreter vos enfantillages ? Mon Père est déjà bien sympa de vous sortir de ce trou, vous pourriez vous comporter en adultes et garder pour vous vos rancoeurs jusqu'à ce que l'on soit arrivé. C'est la moindre des choses...

Adolf :
Fils à papa ! Occupe toi de tes affaires !

Jésus :
Répète un peu pour voir ?

Ulysse :
Laisse tomber, Jèz' ! Il en vaut pas la peine. De toute façon, j'ai jamais pu le sentir le nain...

Adolf :
Pourquoi il la ramène l'intello ? Meme pas capable de passer un petit coup de fil en dix ans à sa femme pour lui dire qu'il l'aime...

Ulysse :
Tu vas la fermer toi, sinon...

Adolf :
Sinon quoi ? Tu crois que tu me fais peur avec ton petit cheval en bois que tu trimballes partout ? Pitoyable...

Dante :
Neuf ! Il y en a neuf !!!

"D" :
ASSEZ !!! Ca suffit ! Vous prenez votre bardat et on reprend la route ! Compris ! Sinon c'est moi qui vais m'énerver et franchement, ce n'est pas ce que vous souhaitez...

Jésus :
T'as raison Papa. Je te prie de nous excuser...

Adolf (tout bas, seul Jésus peut l'entendre)
Fils à papa...

Jésus
C'est la bagarre que tu veux ? Ca t'a pas suffi de te prendre une branlée par Orphée ? Tu veux aussi t'en prendre une par chacun de nous ?!?

Adolf :
Meme pas peur. Tu verras quand je serai le maitre du Monde. Toi et les tiens, je vous pourchasserez jusqu'au dernier !

Une fois Adolf au sol pour la seconde fois, ils reprirent la marche. Orphée marchait devant, à coté de "D". Déjà la frontière avec la Terre commençait à prendre forme. Ils n'étaient plus très loin.

Orphée :
Dites, Monsieur, vous pourriez pas faire quelque chose pour moi ?

"D" :
Ca dépend. Que veux-tu ?

Orphée :
C'est au sujet de ma femme, Eurydice. Je sais pas si vous avez suivi, mais elle m'a trompé hier soir, ce qui remet pas mal en cause mon amour pour elle. Alors voilà. Comme il parait que vous etes fortiche pour faire plein de trucs bizarres, je me demandais si vous ne pourriez pas...

Et il lui expliqua ce qu'il attendait de lui. Et "D", qui avait eu le temps de devenir mysogine depuis qu'il avait rencontré tant et tant d'humains, accepta.

Quand ils franchirent la frontière, tout se passa très vite. "D" ouvrait la marche. Il commençait à tapotter sur sa cape afin de la dépoussiérer quand Dante passa le seuil des Enfers, un carnet de notes à la main. Puis ce fut Jésus, qui ouvrit ses bras en croix pour accueillir le soleil couchant lui caresser tendrement le visage. Ulysse ensuite, d'un pas assuré, grimpa les dernières marches le séparant de la Terre et alla s'asseoir contre une souche d'arbre. Orphée était encore à deux mètres de la frontière quand il fit un signe discret à "D", suite à quoi ce dernier balbutia quelques mots incompréhensibles. Simultanément, Eurydice se transforma en statue de sel. Faust, qui jusque là n'avait encore rien dit, se trouvait exactement sur la ligne de démarcation entre Enfers et Terre. Devant la beauté du spectacle (personne ne sait réellement si c'est en voyant la transformation d'Eurydice ou la beauté du coucher de soleil qu'il n'avait pas revu depuis si longtemps), il s'écriat : "Arrete toi, Instant, tu es si Beau". Ce sur quoi on entendit un rire diabolique surgir des profondeurs de la Terre, celui de "S" refaisant surface et emportant en un éclair Faust avec lui. Adolf, le souffle coupé, était le dernier à ne pas etre remonté sur Terre. Il se mit à paniquer et à courir en criant "Attendez moi ! Attendez moi ! Je ne veux pas rester ici !" Dans sa course, il se prit une branche et tomba. Tout le monde se mit à rire malgrè les derniers instants aux allures dramatiques. Y compris la statue de sel d'Eurydice, Adolf l'aurait juré. Voyant que personne ne viendrait l'aider, et les Portes de l'Enfer se refermant, il se mit à ramper désespérément, tel un lombric pris de panique, dans une chorégraphie frénésique ridicule. Personne ne l'attendit. Ils tournèrent tous les talons, en riant à chaudes larmes devant le spectacle qui leur avait été donné de voir, persuadés que le nain serait perdu à jamais et qu'il tiendrait compagnie à Eurydice pour l'Eternité. C'est alors qu'Adolf saisit la main providentielle qui lui était tendue. C'etait celle de "S".

- Alors voilà, si je t'ai sauvé, mon petit bonhomme, c'est que j'ai un poste qui vient juste de se libérer...ca te dit ?

Dieu continua sa tournée. Cela dura fort longtemps et ne fut pas sans quelques difficultés. En effet, à chaque fois qu'il rencontrait quelqu'un, il influait sur le cours du temps, de sorte que certaines personnes qu'il avait déjà rencontrées n'existeront jamais et que de nouvelles personnes s'ajoutaient sur sa liste en permanence qui n'auraient jamais vu le jour sans la présence de "D"sur Terre. Si 95% de la population était historiquement figée, 5% était aléatoire et ces 5% étaient les plus difficiles à rencontrer.

Au fur et à mesure de ses rencontres, "D" était de plus en plus craintif. A chaque rencontre anodine, son appréhension allait croissante. Combien de livres, de fer à repasser, d'eaux minérales, de coquillages... avait-il reçu en pleine figure ? Il n'aurait su le dire avec exactitude, mais une chose était certaine : beaucoup trop. Il se promenait en tremblant, les mains portées devant son visage pour se protéger, tel un chien battu apeuré du moindre bruit. Tout autour de lui lui inspirait de la peur. Il devint pantophobe. A la fin de sa tournée, "D" était fourbu, diminué physiquement, atteint psychologiquement. Il avait affronté tant de rejets, tant d'injustice, tant de violence, qu'il s'etait mis à ne plus croire en l'homme. "D" se surprit meme à les hair. Tout ce qui grandissait sur Terre était bel et bien pourri, et sans doute son frère y était-il pour quelque chose.

Sa tache achevée, il rentra chez lui, et s'y enferma pour ne jamais en ressortir. Il voulut se venger de ces humains qui l'avaient tant humilié, lui, leur Créateur, et fit s'abattre sur Terre toutes les phobies possibles et imaginables, afin que au fond, mine de rien, les hommes continuent de croire en Lui.

Un jour, "S" vint lui rendre visite.

- Alors, content de toi ?
- Bof...
- Je t'avais pourtant prévenu que c'était une connerie cette tournée...
- Je sais. T'avais raison. Comme toujours.
- Bon, on en est où ?
- C'est à toi de jouer. Je viens de roquer...

Friday, September 18, 2009

Satanophobie

Satanophobie : peur des démons

Pour des raisons de reduction soudaine de membres du personnel de direction, nous avons du interrompre précocément le Post précédent. Tout porte à croire qu'un individu dangereux et susceptible aurait tranché, dégraissé, tronqué, éviscéré, décapité, acide-sulfurisé, électrocuté, charcuté, désorganisé, écervelé, lobotomisé, Lara-Fabianisé... l'intégralité du Comité de Direction. Par conséquent, c'est moi, Julie, stagiaire, qui reprend le flambeau. On m'a dit de ne pas m'inquiéter et de me contenter de reprendre là où mon prédécesseur s'était arrété. Et bien soit. C'est ma chance pour me faire un nom ! Il faut savoir saisir les opportunités qui s'offrent à vous, c'est ce que je m'empresse de faire. Merci Sataaaaaaaaaaaaan...

...Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaargh !!!

- Eh, dites, les gars, c'est Marius ! Y'a plus personne ? Faites chier ! Vous avez laissé l'ordinateur en marche... vous permettez que j'y jette un oeil ? Je sais, je ne suis que responsable de la sécurité ici, mais il parait qu'il faut écrire un Post chaque jour et y'a plus personne dans les bureaux... Voyons... Qu'est ce que vous avez écrit jusque là... Ah bein ça ! On dirait que certains d'entre vous ont eu quelques soucis avec le Gars d'en bas ! Mince alors. Il faut toujours qu'il vienne fourrer son nez dans nos affaires celui-là. Perso, si j'avais quelques responsabilités, je lui interdirais l'accès des locaux direct ! C'est vrai à la fin. Regardez-moi ça ! Tant piiiiiiiiiiiiiiis...

... Aaaaaaaaaaaaaaaaaargggh !!!

- Est ce que quelqu'un va m'expliquer ce qui se passe ici. Non mais franchement, ça ne se fait pas de massacrer des gens comme ça. On voit bien que ce n'est pas vous qui nettoyez après. Vingt ans que je fais ce métier, j'ai jamais vu ça. 'Tentiooooooooon...

...Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaarggh !!!

- Tiens, Salut Dorothé, tu vas bien ?
- Mouais, ça pourrait aller mieux. Sale teeeeeeeeeeeeeeeemps...

... Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaarrrgggggggh !!!
- Ooooops, pardon. Au temps pour moi, je me suis trompé. Non, parce que j'ai cru en fait que... mais bon, "sale temps", c'est proche, non ? Ca compte aussi... t'es pas d'accord, Dorothée ? Dorothée ? A oui, c'est vrai, excuse moi, tu n'es plus de ce monde... je t'ai envoyée rejoindre mes acolytes. Des joyeux lurons, tu vas voir. Tu as de la chance, je les ai bien éduqués, des démons très bien élevés, tout comme il faut. Pas une torture plus haute que l'autre. Dans les règles de l'art. C'est important par les temps qui courent. Et puis je suis certain que Lucifer prendra bien soin de toi. Bon, c'est pas tout ça, mais il est temps que j'y retourne. Je crois que y a des nouveaux employés qui arrivent avec lesquels jouer. Qu'est ce que je peux m'amuser ici ! C'est encore plus drole que de suivre le frangin ! Qu'est ce qu'il devient celui-là d'ailleurs ? Ca fait un bail que je n'ai pas eu de ses nouvelles. J'espère qu'il a fini son petit tour des humains. Si j'étais lui (le suis-je ?) je me serais trouvé une petite ile paradisiaque ou poser mes vieux os. Un endroit peinard où il aurait peu de chance de tomber sur moi, où il pourrait se prélasser tranquillement au soleil en sirotant quelques cocktails dont seuls les humains ont le secret en compagnie de quelques jolies vahinés (il a fait du bon boulot à ce sujet le Vieux, faut le reconnaitre...). Mais non ! Je suis sur qu'il est en train de tirer les vers du nez d'un octagénaire à moitié sourd pour se faire entendre qu'il Croit en Lui. Franchement, je comprends pas. Ca me dépasse. Atteeeeeeeeeends...

...Aaaaaaaaaaaaaaaaaarggh

Thursday, September 17, 2009

Pantophobie (1ere Partie)

Pantophobie : peur de tout.

"D" (pour des raisons évidentes de confidentialité nous tairons le nom de la personne) était un créateur. En six jours, il créa le monde, la Nature, les Animaux, les Hommes. Certains à son image, d’autres, hélas, un peu moins. Comme tout Créateur, il commit des erreurs. Des tas d’erreurs, parmi lesquelles la folie, la vengeance, la haine, la rage, le désir, la gourmandise, la luxure, l’égoïsme, le narcissisme, la bêtise, le vice, la méchanceté… une liste inépuisable de bassesses et autres petitesses imparfaites. Il se promit de faire mieux la prochaine fois.

Ses créatures le lui rendirent. Elles comprirent qu’il s’était franchement moqué d’elles, en long en large et en travers. Et le respect qu’il méritait se transforma peu à peu en mépris. Voire en ignorance. L’éternelle injustice ! Renié, lui, Créateur de toutes choses. Il ne pouvait pas le supporter plus longtemps. Aussi descendit-il de sa montagne pour aller rencontrer ses Enfants et leur expliquer… Ce fut une erreur supplémentaire !

Il commença par rencontrer ses premiers humains, au hasard. Il n'avait pas vraiment prévu leur réaction. "D" était du genre à avancer à l'instinct. Pas de plan. Pas de destin. Juste du feeling. Et du feeling, il en manqua sérieusement au milieu de ses Moutons. L'accueil ne fut pas à la hauteur de ses espérances quand il tenta de leur faire comprendre que s'ils étaient là, c'était un peu grace à lui, quand meme. C'est vrai, quoi...tous des ingrats.

Pour sa première rencontre, il s'approcha d'un pecheur qui rentrait de sa journée avec ses maigres prises du jour.

- Bonjour mon brave ! Comment allez-vous ? Belle journée, non ?
- T'es qui toi ?
- Et bien justement, cela tombe bien que vous me posiez la question. Figurez vous que je suis votre Père !
- Pardon ? Qu'est ce que tu viens m'emmerder avec tes conneries ! Dégage de mon chemin, vieillard, j'ai pas que ça à faire...
- Mais... je vous assure. Vous me devez la vie.
- C'est quoi ton problème mon gars ? J'ai déjà un paternel. Remarque, je serais pas contre l'échanger, mais on choisit pas sa famille, pas vrai ?
- Vous faites fausse route. Je suis votre Père. Comme toute chose qui nous entoure.
- Bein voyons. Et moi, j'suis l'Pape, peut etre ? Pourquoi c'est moi que tu viens emmerder ?!?
- Croyez-moi, c'est un heureux hasard. Je descendais de ma montagne, ressentant le poids de la solitude et du manque de reconnaissance et vous etes le premier de mes Fils que je croise.
- Il a fallu que ca tombe sur moi. T'as pas mieux à faire qu'à faire perdre leur temps à d'honnètes gens ? Tiens, t'as qu'à aller voir la Marie. Elle s'emmerde grave depuis que son mari, Joseph, la délaisse pour son boulot. C'est la maison là-bas.
- Mais ce n'est pas Marie que je suis venu voir. C'est vous...
- Mais tu me veux quoi à la fin ?!?
- Je ne sais pas trop... vous convaincre peut etre...
- Tu m'as convaincu. Tu m'as convaincu que t'es félé, et si tu me laisses pas tranquille maintenant, tu vas tater de mon poisson...
- Je vous en prie, écoutez moi encore un peu. J'ai besoin de vous parler. Je ne supporterais pas un échec avec mon premier Enfant.
- Tu vas te taire, oui ?

Et le pecheur de lui assener un coup de morue sur le museau. "D", vexé et quelque part honteux, se mit à détaler pour se terrer à distance de sécurité du pécheur et de son ire.

Il rendit visite à Marie. Il faut savoir que "D" était un coureur de jupons reconnu parmi les siens. Il embobina donc Marie en un rien de temps et lui fit un enfant, dans le dos de Joseph, le mari. Doit on appeler cela de l'inceste ? Sans doute. Mais de regret, point. Si ce n'est sur la fin, quand Marie le remercia à coup de savate.

- Mais voyons mon Enfant, pourquoi me traitez-vous de la sorte ? N'avez-vous pas aimé la nuit que nous venons de passer ensemble ?
- T'es bien comme les autres ! Un petit coup et puis s'en va ! Espèce de salaud...
- Allons, ressaisissez vous, ma Chair. Je ne peux pas vous consacrer plus de temps. Je ne suis pas un Père exclusif. Je dois aller voir mes autres Enfants. Je ne voudrais pas de jalousie entre vous. Vous me comprenez, n'est-ce pas ? Vous avez déjà de la chance que vos charmes m'aient convaincu de rester toute la nuit à vos cotés. Ca et l'absence de votre mari - ça me fait penser, faudra que j'aille rendre visite à Joseph un de ces jours également...ça risque d etre un peu bizarre, non ? Après tout, je viens de féconder sa femme, et ce n'est pas encore le genre de choses bien acceptées parmi les votres, n'est-il pas ? Mais consolez vous, le pecheur d'hier a reçu moins d'égards de ma part - un vrai rustre celui-là, soit dit en passant. Vous le connaissez ? Figurez vous que, hier, alors que je descendais de ma Montagne, je tombe sur ce...
- ...Dehors !!!

L'avantage, quand on a tout créé, c'est qu'il n'y a pas de limite. "D" en profita pour voyager dans l'espace et dans le temps, afin de rencontrer tous les humains. Des dizaines de milliards d'humains répartis sur des siècles d'Histoire. Ah ! L'Histoire ! Cette belle farce que l'Histoire. S'il y a bien quelque chose de relatif, c'est bien elle. Le Temps aussi, c'est certain. Mais meme les humains finirent par s'en rendre compte. En revanche, l'Histoire, ils s'y accrochent avec une Foi surprenante. Après des mois d'errance et de rencontres, c'est perdu au coeur de ces pensées que "D" tombe sur son antonyme, "S" (de meme, pour des raisons de confidentialité, nous tairons le vrai nom de "S". Et puis aussi parce que "S" a menacé la Direction d'atroces souffrances si nous ne faisions ne serait-ce que mentionner son nom).

- Alors mon Vieux, tu t'amuses toujours autant ?
- Qu'est ce que tu veux ? Tu ne vois pas que je suis occupé ?
- A rencontrer tes Enfants ? Tu me fais rire...
- Tant mieux, mais moi au moins je fais quelque chose !
- A oui ? Figure-toi que moi aussi, je fais quelque chose...
- Tiens donc. Et que fais tu ? Pourrais-je savoir ?
- Mais certainement... Je t'observe mon grand. Et oui ! J'ai compté. 82.994.359. C'est le nombre de tes Créatures que tu as rencontrées jusqu'á présent. Il n'y a pas de plus grand spectacle que de voir tous les rateaux que tu te prends ! Je ne m'en lasse pas.
- Je ne me prends pas des rateaux...
- Tu appelles cela comment toi, quand tes Enfants t'accueillent à coups de morue, de savate, de timbres, de bouchons de champagne, de BDs ou de couteau ? T'as meme reçu des touillettes de cocktail en plein visage ! Des touillettes de cocktail ! Non, mais je te jure ! Je crois que c'était mon préféré celui-là. J'ai cru que j'allais en mourir de rire !
- C'est ça, amuse toi. Amuse-toi. En attendant, moi au moins je les fais réagir...
- Ca, pour les faire réagir...mais je t'en prie, surtout, ne t'arrete pas. Continue ton petit cirque. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas autant amusé. Meme quand je fais mes virées avec Belzébuth je ne rigole pas autant !
- Tu te moques. C'est Mal. Si j'en avais le pouvoir, je te punirais bien...
- C'est ça, va voir Moman encore une fois. Dis lui que ton frère t'embete. Fais un caca nerveux comme d'habitude.
- Idiot.
- Ah oui, c'est vrai, ça fait des années que Mère a arrété de prendre ton parti. Elle s'est bien rendu compte que t'étais un enfant pourri gaté et qu'il fallait un peu serrer la vis. Dis-moi, c'est pour ça que tu fais ta petite virée ? Pour impressionner Mère ?
- Je ne veux plus te parler. Tu es méchant !
- "Ouin...Maman...Frérot il est méchant..." Ah ! Ah ! Ah ! Tu sais quoi ? Je pense que si tu n'existais pas, il faudrait t'inventer... ma vie serait tellement ennuyeuse sans toi.
- Ca y est ? T'as fini ? J'ai plus important à faire qu'à te parler...
- T'as raison. Retourne à tes Moutons...

Ce que fit "D". Il avait besoin de se remonter le moral. "S" n'avait pas tort. Il avait réellement enchainé les rateaux. Ses humains le rejetaient. C'était insupportable. Mais il ne pouvait pas l'avouer devant "S", sinon, il était bon pour une nouvelle éternité de moquerie. Qui pouvait-il donc aller voir pour ne pas sombrer plus avant dans le spleen ? Il repensa à Marie... il se dit que ce serait peut etre drole d'aller voir Joseph. Au moins, il mériterait les insultes de celui-ci. Ce serait plus acceptable. Mais un échec acceptable serait malgré tout un échec de plus. Et puis il pensa à cet enfant qu'il fit à Marie. Comment s'appelait-il déjà ? A oui, Jésus. C'est ça. Jésus.

- Bonjour mon Fils.
- Qui t'es, Grand-Père ?
- Euh...ton Père.
- Ca fait du sens.
- Ah bon ?
- Et bien oui. Tu m'appelles "mon Fils" et tu prétends etre mon père. Ca se tient.
- Merci ! Merci ! Tu ne peux pas savoir combien tu me fais plaisir. Ainsi tu me crois ?
- J'ai pas dit ça. J'ai déjà un père. Joseph. Tu le connais ?
- Vaguement. Dois-je comprendre que tu me prends pour un mythomane ?
- Franchement ? Comprends moi, je ne veux pas t'offenser ni rien, mais mets toi à ma place. Un inconnu à la longue barbe blanche se pointe devant toi et te dit qu'il est ton père. Tu le croirais ?
- Dis comme ça, en effet, je n'y avais pas pensé.
- Allez papy, je t'écoute, crache ce que t'as à dire. Tu veux de l'argent, c'est ça ?
- Mais non, voyons. Pour qui me prends-tu ? Je ne fais pas la manche.
- Que veux-tu, alors ?
- La vérité ?
- Bien sur.
- Je veux que tu m'aimes !
- Pardon ?!?
- Tu as bien entendu. Je veux que tu m'aimes !

Clap, clap, clap. Quelques mètres derrière eux, une personne que reconnait aussitot "D" accompagne ses applaudissements d'un rire machiavélique.

- C'est qui, lui, tu le connais ?
- Lui ? C'est personne. C'est juste mon frère.
- Si je te comprends bien, c'est donc mon oncle ?
- Ne dis pas n'importe... euh... oui, c'est ça. C'est ton oncle. Aussi étrange cela puisse-t-il paraitre.
- Pourquoi dis tu que c'est étrange ? Si t'es mon père et que c'est ton frère, ça me parait logique à moi...
- Tu verras, quand les tiens se pencheront sur ton Histoire, ça te paraitra un peu bizarre aussi...
- Ca t'en...

... Aaaaarrgggh !!!!!!!!!!!!

Wednesday, September 9, 2009

Asymétriphobie

Asymétriphobie : peur des choses non symétriques.

Noé naquit un 2 février, à 2h22. Il sortit du ventre de sa mère quelques secondes avant son frère, Néo. Dans cet hopital allemand, tout était blanc, carré, ordonné, symétrique : juste. Installé au 2è étage, dans la chambre 222, son frère et lui s'affairaient chacun sur leur sein maternel. Il ne fallait pas chercher plus loin pour trouver le bonheur.

Alors qu'il avait quatre jours, Noé découvrit sa maison. Sa mère l'installa dans son berceau. Seul. Où était passé Néo ? Pourquoi n'était-il plus avec lui ? Il piqua une colère rouge. Si rouge qu'il s'arréta de respirer. Cela fonctionna. Néo se retrouva aussitot à ses cotés. Ce qui était étrange, c'est que son frère était tout rouge également. On avait du lui faire subir de terribles tortures loin de lui, c'était certain. La communication n'étant pas le fort de la fraterie à cette époque, Néo n'avoua jamais à Noé durant le peu de temps qu'ils passèrent ensemble que lui aussi avait usé de la technique de retention de respiration pour se retrouver près de son frère, installé dans le berceau jumeau.

Les jours passèrent, dans une quiétude et une insouciance que seuls les nouveaux-nés peuvent connaitre. Noé comptait les barreaux de son berceau carré : 48. Le nombre d'oiseaux à distance de bras qui chantaient en rond au dessus de sa tete : 12. Le nombre de ses doudous : 2. Tout allait par paires. Ses jouets, ses parents, ses yeux, ses oreilles, son frère et lui... tout. Et tout allait bien. L'équilibre fut brisé d'une bien étrange manière. Si étrange que Noé en garda les sévices inconscients toute sa vie.

Le jeu préféré de Noé, et par conséquent, celui de Néo également, était de frapper son frère. Gentiment. Comme ca. Pour voir. Ce qui permettait de les reconnaitre :

- Tu veux bien t'occuper de Noé s'il te plait, pendant que je change Néo...
- Bien sur. C'est lequel ?
- Celui avec la bosse au dessus de l'oeil droit, pas celui avec le pansement sur le genou gauche...

Un jour qu'ils s'adonnaient à leur passe-temps barbare favori, Noé eut un éclair de génie : et si je me faisais des alliés pour l'offensive ? Il regarda autour de lui et les oiseaux qui chantent lui parurent la force militaire la plus engageante et la plus facile à convaincre. Dans un effort surbébé, il tendit les bras et réussit à agripper maladroitement l'un des oiseaux.

Le père des jumeaux était comptable. Pas bricoleur. Comptable. Par conséquent, le cadeau de tante Georgette, cette horreur piaillante d'oiseaux tournicoteurs - le cadeau, pas la tante... quoi que... - il le fixa avec les moyens du bord et l'attention d'un débutant : mal.

Lorsque Noé toucha l'oiseau, celui-ci se désolidarisa, bascula, tituba, émit un piaillement suraigu d'oiseau qui part à la dérive et glissa lentement dans le vide qui s'offrait à lui, après moultes tentatives pour reprendre son équilibre. L'axe de son perchoir avait eu le temps de bouger un peu pendant la manoeuvre, si bien qu'au moment de la chute, l'oiseau se trouvait juste au dessus de Néo. Il piqua tout droit, en plein dans la gorge du bébé, qui criait déjà de joie face à la déconvenante tentative de son frère de rallier les forces ailées à sa cause. En dix secondes, Néo s'étouffa avec le piaf en papier. Noé entamait déjà sa danse de la victoire quand sa mère apparut, affolée. Elle n'eut alors d'yeux que pour Néo et délaissa Noé pendant plusieurs heures. Il ne revit jamais son frère. Jamais. Mais ses parents ne le regardèrent plus avec le meme regard d'amour. Tout ça à cause d'un stupide oiseau de papier tombé de son perchoir. Il passa les jours suivants à contempler le malheur s'abattre sur lui et les manifestations du malheur furent évidentes : il s'agissait du désordre. Il se retrouvait seul sans Néo. Et les onze oiseaux restants le dévisageaient d'un air culpabilisant. L'harmonie était rompue. Le charme brisé. La grace disparue. L'asymétrie regnait sur le monde !

A seize ans, Noé quitta le nid familial. Certains appellent cela une fugue. Il appela cela "Liberté". Il fut recueilli par Doudou, un grand noir arrivé de Martinique 30 ans plus tot en Métropole. Doudou s'occupait d'un zoo. Depuis la mort de son frère trois ans plus tot, il avait pris la tete de l'entreprise et commençait à se sentir vieux et las depuis la mort de son fils, Marius, l'an passé, pour de stupides raisons gastriques. Il se prit d'amitíe pour le petit Noé qui lui était apparu perdu devant les grilles du zoo sous une pluie diluvienne. Il trouva en lui un héritier pour lui succéder à la tete du zoo.

A vingt ans, Noé pleura Doudou et se retrouva à la tete d'un zoo. Il aimait ses animaux. Tous. Il élargit le zoo par une annexe qu'il transforma en ferme pour les petits enfants. Il fit en sorte que chaque race animale soit représentée par un couple. Sa phobie de l'asymétrie reprenait le dessus. Sans que l'on puisse trop expliquer pourquoi, le zoo devint un véritable succès économique. Et dans cette tache, Marianne était aux cotés de Noé pour l'épauler. Quand le tsunami ravagea le pays, ils durent faire face. Ils firent monter tous les animaux sur le toit du batiment principal et attendirent l'accalmie, en faisant en sorte que les loups ne mangent pas les moutons.

Par miracle, le zoo fut sauvé. Seule Cunégonde, l'abeille, manquait. Mais Noé n'avait pas envie de passer le reste de sa vie dans le zoo. Marianne si. Or le zoo était à lui. A lui seul. L'asymétrie du couple fut fatale. Il revendit le zoo s'en rien en dire à Marianne. Il emporta avec lui le cheval et la jument, ses préférés. L'argent de la vente lui assura une rente suffisante pour le restant de ses jours. Marianne le quitta.

Après trois ans de solitude, il s'ennuya. Marianne lui manquait, mais il ne pouvait pas la rappeler. Il rencontra Clémence sur Internet. Et tout alla très vite, jusqu'à son décès sous une pluie de grenouille alors qu'il partait en voyage de noce. Mais il aurait du prévoir. Le vol 137 pour Le Caire avait 37 minutes de retard au décollage, 13 à l'arrivée. Il y avait 79 passagers dans l'avion, principalement répartis à gauche de l'appareil. A l'aéroport, le chauffeur de taxi avait une balafre sur la joue droite. Le Sphinx avait un coté du nez cassé. Dans leur chambre d'hotel, le lit double n'était pas centré, le tableau représentant Osiris était penché, et la déco du balcon sur lequel il se tenait était partiellement détruite donnant à l'ensemble un manque d'harmonie évident. Pas étonnant que l'une des premières grenouilles s'abattit sur lui. Les signes étaient là. Noé partit rejoindre son frère Néo dans un plongeon de sept étages avec ses amies batraciennes.

Batracophobie

Batracophobie : peur des grenouilles

Noé était désespéré. Il se retrouvait seul depuis maintenant trois ans, et la traversée du désert lui devenait pesante. Un peu honteux, il créa un compte sur un site de rencontre sur Internet et surfa. Il chatta avec de pulpeuses inconnues sans vraiment y croire. Il en rencontra quelques-unes. Il se rendit compte qu'il y avait systématiquement erreur sur la marchandise. Les photos ne remplacent pas la réalité et Photoshop en était en partie responsable.

Il y a eu celle qui parlait pour ne rien dire. Celle qui parlait pour parler. Celle qui s'écoutait parler. Celle qui n'aurait jamais du parler. Celle qui ne disait rien. Celle qui ne se comprenait pas elle-meme. Celle qui riait de tout, y compris de la mort de ses parents. Celle qui était blonde à l'intérieur et à l'extérieur. Celle qui ne savait pas du tout écouter. Celle qui était vraiment moche. Celle qui avait la grosse tete. Celle qui se plaignait de tout. Celle qui ne parle pas français, ou alors pas le meme...

Et puis il y a eu Clémence.

Au deuxième rendez-vous, Clémence fut surprise. Noé l'attendait sur les marches d'un restaurant deux étoiles avec un bouquet de deux roses rouges en l'accueillant d'un "Tu es magnifique !" Il faut dire qu'elle avait beaucoup aimé le premier rendez-vous et qu'elle s'était effectivement mise en beauté. Aussi ne fit-elle pas remarquer que cela ne se faisait pas d'offrir un nombre pair de roses. De toute façon, elle ne connaissait pas la raison de cette étrange coutume.

Ils prirent place devant une table romantique. Clémence se dit que pour quelqu'un rencontré sur Internet, il savait jouer le grand jeu. Au moment de recevoir les menus, elle s'étonna de ne pas voir les prix affichés sur le sien. Elle n'avait pas l'habitude.

- Je n'ai pas les prix...?
- C'est normal. Moi si. Tu choisis ce que tu veux.
- Dis moi, tu es milliardaire ?
- J'ai suffisamment d'argent pour me permettre ce genres de folies.
- Mais tu ne me connais meme pas.
- Ce que je connais de toi me plait.
- Ah oui ?
- Tu ne parles pas pour ne rien dire. Ni pour parler ou t'écouter parler. Ta conversation est intéressante, intelligente, drole. Tu sais écouter, rester humble. Et tu es belle. Très belle.

Clémence se mit à rougir.

- Alors dis moi comment cela se fait-il qu'un gentleman comme toi, avec ses manières, son argent et son aisance se sente obligé de chercher l'ame soeur sur Internet ?
- Qui te dit que je cherche l'ame soeur ?
- Goujat. Non, mais sérieusement. Pourquoi ?
- Il est encore un peu tot pour te dévoiler mes cotés obscurs, non ?
- J'en étais sure. Ca n'existe pas.
- Quoi donc ?
- Le Prince Charmant.
- C'est parce que tu n'as pas encore vu mon cheval que tu dis ça ?
- C'est vrai, tu as un cheval ?
- Bien sur. Et une jument. Si tu veux, on pourra les monter ensemble...
- Je n'en reviens pas.
- De quoi ?
- Le dernier mec que j'ai rencontré sur Internet m'a invitée au Mc Do et bavait légèrement quand l'idée lui venait qu'éventuellement il allait me mettre dans son lit.
- Ca arrivait souvent ?
- Tout le repas. 3 minutes et 48 secondes. Une éternité après laquelle je me suis éclipsée. Je n'ai jamais mangé un hamburger aussi vite !
- Ce qu'on appelle un vrai speed date. Tu es tombée sur un cas...
- Tu rigoles, mais celui d'avant m'a emmenée dans un restau sympa, sans prétention. Il était gentil, mais un peu simple, voire benet. Au moment de l'addition, il m'a quand meme laissée payer ma part de l'addition. Il était surpris que je ne le laisse pas me raccompagner chez moi et m'a insultée en me traitant de tous les noms.
- Il y a des bonnes manières qui se perdent. Règle numéro 1 : payer l'addition quand on est un homme. Meme si l'on ne veut pas coucher.
- Et si l'on veut coucher ?
- Faire rire, bien sur.
- Bien sur. La moitié du chemin... c'est ton secret de Casanova ?
- Si tu savais... je ne suis pas celui que tu crois. Casanova est un peu à l'antipode de moi.
- Tu as raison. Les Casanova ne m'attirent pas du tout.

Le repas fut exquis - si ce n'est pour une cuisse de grenouille qui faillit se bloquer dans la gorge de Clémence - et la complicité était à son comble. Ils couchèrent ensemble ce meme soir. Et les suivants. Et ceux d'après encore, jusqu'à former un vrai couple. Ils se fiancèrent, aménagèrent ensemble, et le jour du mariage arriva vite. Pour son enterrement de vie de jeune fille, elle eut une longue discussion arrosée avec son amie Cindy - avant l'accident tragique durant lequel cette dernière perdit un oeil.

- Tu sais, Clém', je t'admire. L'engagement, tout ça, ça m'épate. En plus, il est chouette Noé. Je l'aime bien. Belles manières, beau gosse. Il a meme refusé mes avances, c'est dire si c'est le bon pour toi !
- C'est l'amour Cindy. Tu verras, un jour aussi ca te tombera dessus. Meme à toi.
- Me parle pas de malheur. Non, moi ce que je veux, c'est m'amuser, tu vois. Me faire un max de beaux mecs, tous plus jeunes les uns que les autres. Mais je trouve que t'es courageuse. Je suis fière de toi.
- Tu dis n'importe quoi ma chère Cindy. Toutes les filles aspirent à se marier un jour...
- Tu rigoles ? Regarde par exemple, le beau mec, là-bas, au comptoir, avec toutes ses touillettes. Et bien je te parie que je me le fais dans l'heure et que je ne l'épouserai jamais.
- Cindy, je t'en prie, reste avec nous. C'est mon enterrement de vie de jeune fille ! Tu n'as pas besoin de prouver quoi que ce soit. Il ne te plait meme pas, ce type, ça crève les yeux...

Prémonition.

Le mariage eu lieu une semaine plus tard, sans Cindy qui était toujours sous surveillance à l'hopital. L'église à n'en plus finir, le lacher de ballons durant le cocktail, une multitude de discours inégaux, le feu d'artifice. A six heures du matin ils se couchaient. A dix heures, ils étaient dans l'avion pour leur voyage de noces, direction l'Egypte.

Ils n'eurent pas de chance. Les éléments se déchainèrent. Le temps était apocalyptique. On aurait dit que la nuit s'était emparée du soleil. Le vent soufflait fort. Et alors que Noé se consolait de ce voyage de noces original avec une bouteille de vin sur le balcon de leur chambre d'hotel en criant haut et fort à Clémence qu'il l'aimait, il reçut l'une des premières grenouilles de cette hallucinante pluie de grenouilles en plein sur le crane. Le choc et la surprise lui firent perdre l'équilibre. Il bascula par dessus la rambarde et se retrouva sept étages plus bas. Mort. Des milliers de grenouilles recouvrèrent son corps. Si bien que ce fut la dernière image que Clémence eut de son mari qu'elle venait d'épouser deux jours plus tot.

Depuis, luttant contre sa peur maladive de l'animal, elle passe son temps à faire fumer aux grenouilles qu'elle croise des cigarettes, jusqu'à les voir exploser.

Wednesday, September 2, 2009

Géphyrophobie

Géphyrophobie : peur de franchir un pont

Moise était touropérator. Avec son groupe, il visitait l'Egypte. Quelques imprévus météorologiques dans le programme les firent changer d'itinéraire. Ils se retrouvèrent devant une rivière marronatre. Moise ne connaissait pas le coin. Ils firent deux groupes, un qui partit à droite, l'autre à gauche, afin de trouver un pont pour pouvoir traverser.

Francois, pour se changer les idées de son divorce récent, était parti en voyage organisé avec Moise. C'est lui qui vit le pont le premier. Son cri strident transpersa l'espace et les deux groupes se retrouvèrent très vite devant un pont en bois suspendu délabré à l'aspect peu encourageant qui passait quinze bon mètres au dessus de la rivière. Les négociations commencèrent.

- Euh...c'est toi l'organisateur, Moise, c'est à toi de passer le premier, non ?
- C'est à dire que... c'est pas toi Francois qui l'a trouvé ? A toi l'honneur...
- Non, non. Je n'en ferais rien. Tu sais, j'ai deux enfants qui veulent revoir leur père un jour - enfin je l'espère...
- Et moi, j'ai un père qui compte sur moi pour faire de grandes choses...
- Pourquoi tu commencerais pas par traverser ce pont. Je suis sur que ton paternel sera très impressionné quand on lui racontera ton exploit...
- Je pense qu'il attend quelque chose de plus... comment dire... de plus percutant.
- Allons, fais pas ta mijorée. Je suis sur que quand tu vas t'éclater contre les rochers en bas, ce sera très percutant.

Moise était à court d'argument. Il prit son courage à deux mains et s'engagea sur le pont ballant. C'est le moment que choisit le vent pour se mettre à souffler violemment. L'instabilité du pont qui défilait sous ses pieds était manifeste. Les applaudissements de son groupe resté en sécurité sur la terre ferme n'étaient pas d'un réconfort nécessaire. Moise s'efforcait de ne pas regarder en bas. Surtout pas. Pas en bas. Le vertige s'emparerait de lui et ce serait la fin. Il était déjà bien assez difficile, avec ses jambes qui flageollaient sans cesse, de mettre un pied devant l'autre. Arrivé au milieu du pont, il reprit du courage. Le plus dur était fait. Il jeta un oeil en arrière, fier, pour montrer à son groupe combien il était fort et courageux. Et puis craaaaac. Moise, terrorisé, s'interrogea. "Comment ça ? Craaaaac ?". Comme pour confirmer, le pont émit un nouveau crac. Plus marqué. Plus pressant. Plus inquiétant.

La chute dura quelques secondes d'éternité. Dans son malheur, Moise eut de la chance. Il survécut. Mais pendant ces quelques secondes de chute, une seule idée lui vint en tete, en boucle, encore et encore : "pourquoi Père ne m'a-t-il jamais appris à nager ?!?"

Jean-Edouard, qui avait son brevet de secouriste, sortit du groupe pour se lancer façon Weissmuler à la rescousse de Moise qui commençait à boire la tasse. Après quelques instants de bouche à bouche, Moise recracha la moitié de l'eau de la rivière, mais il respirait. En revanche, il fallait maintenant s'occuper de cette planche de bois qui s'était plantée dans la jambe de Moise.

Trois ans plus tard, Moise boitait toujours. Cela ne l'empéchait pas de reprendre du service. Le hasard voulut qu'il retourne en Egypte. Se succédèrent une multitude d'événements surprenants qui firent dire plus tard à Moise que vraiment, non mais vraiment, il avait la poisse. A peine eut il posé le pied en Egypte qu'une guerre civile éclata. Les mitraillettes chantaient de toute part, les cris des femmes, des enfants et des hommes formaient un fond sonore difficile à ignorer. Un génocyde se mettait en place. Moise passa récupérer son groupe de voyage à l'agence. Quelle surprise de voir que le groupe, normalement limité à une douzaine de personnes, était composé de tout un peuple. Encore un stagiaire au marketing qui avait du se planter sur un détail. Moise se promit de remonter l'information pour qu'on tape sur les doigts dudit stagiaire. Non mais franchement. Qu'est ce qu'il allait faire de tout se monde ? Et puis question pratique, on a vu mieux. Où est-ce qu'il allait trouver suffisamment de chambres d'hotel pour tout ce monde ? Et les p'tits déj ? Américain ou Continental ? Moise sentait que la semaine allait etre longue.

Ils quittèrent Le Caire en bus. Mais le poids de ces milliers de vacanciers entassés sur un bus fit s'effondrer leur unique moyen de transport - qu'il avait été déjà bien compliqué d'obtenir, aucun chauffeur ne voulant prendre le risque de prendre tout ce monde pour des raisons compréhensibles d'assurance. Ils durent donc poursuivre à pied longeant le Nil. Le Groupe était ravi de cette jolie randonnée champètre-desertique. Jusqu'à ce que les eaux du Nil tout à coup prennent une couleur rougeatre inquiétante. Jesus, qui visiblement était expert en la matière, confirma les craintes de tout le monde : les eaux du Nil étaient en sang. Les suspections fusèrent. Et Judas, qui faisait parti du groupe lacha tout haut ce que les autres pensaient tout bas :

- Tu fais chier Jesus. T'as pas pu t'empecher, hein ? Et maintenant, on boit quoi ?
- Mais je te jure sur la tete de mon pere que ce n'est pas moi !

Moise ne comprenait rien a cette private joke et reprit la route, suivi par son peuple. Ils bifurquèrent, direction l'Est. Il ne faisait pas bon rester trop pret du Nil. A peine eurent-ils quitté les rives du fleuve qu'une pluie de grenouilles leur tomba sur le crane. Cela devait etre un coup des français qui venaient fourrer leur nez dans les affaires politico-stratégiques de l'Egypte. L'avantage, c'était que le problème de la nourriture était réglé. Mais cette pluie de grenouille ne fut que le début d'une série d'incidents improbables.

Les mouches et les moustiques attaquèrent la population, pondant des oeufs un peu partout. La vermine fit son apparition. Puis le betail perit sous le fléau de la peste, qu'on avait pas vu depuis des siècles. Les habitants présentèrent d'ignobles furoncles, prémices de la lèpre. Puis la grèle compléta le travail des grenouilles pour cabosser le crane des gens. Alors que l'on pensait avoir tout vu, tout subit, et que le groupe commençait à se plaindre de l'organisation de ces vacances, une pluie de sauterelles fit des ravages au sein du groupe qui perdit peu à peu sa motivation, malgré les efforts de Moise pour leur faire chanter des chants joyeux, les soirs au coin du feu. Hélas, un soir, le soleil ne se leva pas pendant trois jours ! Les ténèbres régnèrent pendant 72 heures. Jamais on avait vu d'éclipse du soleil aussi longue. Enfin, un problème de natalité survint : tous les premiers nés mouraient durant la nuit. Le commissaire Romain Pilate, qui était de vacances avec le groupe, mena son enquete et trouva le coupable : le médecin du groupe, un certain Avrel Orteman.

Bref, Moise, alors qu'il guidait ses troupes vers la Mer Rouge, prit une grande décision : après ce séjour, il allait démissionner. Il n'était pas normal de travailler dans ces conditions. Et puis il exigerait une prime conséquente, suite aux conditions difficiles de cette dernière mission. Une prime à la hauteur des risques et du stress de cette excursion. Alors qu'il était perdu dans sa reverie, Judas vint le voir.

- Moise, je crois qu'on a un problème...
- Mon bon Judas. Je ne vois pas ce qui pourrait etre pire que ce que l'on vient de traverser.
- On a des troupes armées à nos trousses. Version commando. Ils sont à 100 contre un. Et ils ont l'air très méchants et très pas contents du tout.
- Mince alors. C'est qui ? Les Russes ? Les Shiites ? Les hutus ? Les Cubains ? Les féministes ?
- Toi, t'as fait des conneries dans une vie antèrieure. Non, c'est juste les égyptiens...

Branle-bas de combat, les troupes se pressèrent pour éviter d'etre rattrapées par les égyptiens. Elles buttèrent rapidement sur la Mer Rouge.

- Et on fait quoi maintenant, Moise.
- Je sais pas. Laissez moi réfléchir. Je vais trouver une solution. Une fois encore...

A ce moment, Moise voyait le montant de sa prime monter de manière vertigineuse. La coincidence voulut que François fasse partie du groupe de Moise, trois ans après l'accident du pont suspendu. Le meme Francois. Toujours pas remis de son divorce. C'est lui qui trouva à nouveau le pont. En effet, un peu plus en amont, un pont traversait la Mer Rouge. L'espoir se mit à renaitre au sein du groupe. Avec un peu de chance, on allait pouvoir passer en Arabie Saoudite avant que les forces armées egyptiennes ne les canardent.

Tout le groupe fut abasourdi en voyant Moise s'approcher du pont, sereinement, une machette à la main et commencer à couper, couper, couper, jusqu'à ce que le pont s'écroule. Jésus,en tant que porte-parole des vacanciers, s'approcha de lui.

- Euh...Moise. Je n'ai rien contre les actes terroristes en général et la destruction des ponts en particuliers, mais, comment te dire les choses sans te froisser... qu'est ce que tu fous bordel ?!?
- Quoi ?
- Pourquoi tu détruis notre seul espoir de survie ? Tu ne veux quand meme pas que l'on se mette tous à marcher sur l'eau ? C'est quoi ton plan ?
- Parce que tu crois que j'ai un plan ? Non, c'est juste que depuis trois ans, je peux plus voir un pont en portrait. C'est plus fort que moi, je peux plus les encadrer. Alors voilà. Quand j'ai vu ce pont, ça m'a pris comme ça. Il fallait que je le détruise. T'as quelque chose à redire à ça ?
- Franchement ?
- Non, t'as raison, réponds pas.

Puis, repoussant Jésus, Moise grimpa sur la Dune qui dominait la plage où s'amassait son monde et il prit la parole.

- Mes amis ! Je vous ai amenés jusqu'ici, ce n'est pas pour vous abandonner. Si vous avez la Foi, si vous croyez en moi, ensemble, nous nous en sortirons. Faites moi confiance.

Le speach de Moise ne fédéra pas vraiment les foules. Le scepticisme était perceptible, limite palpable. Au coeur de ce silence de doute, les premières détonations se firent entendre, dans le lointain. Les impacts des obus étaient encore loin du groupe, mais les troupes ennemies ne tarderaient pas à fondre sur eux et à les anéantir, visiblement sans sommation.

Moise était perdu. Il ne savait pas quoi faire. Il descendit de sa dune et alla retrouver Jésus. Il lui murmura à l'oreille, pour que personne ne les entende :

- Tu m'as pas dit que ton père avait le bras long ? Tu penses pas que ce serait le moment de lui passer un petit coup de fil ?
- J'aime pas ça. A chaque fois que je lui demande de l'aide, je suis bon pour tondre la pelouse de chez lui pendant six mois.
- Oui, mais là, y a urgence. Si tu veux, je t'aiderai à tondre...
- Bon, OK, mais avant, tu permets que je fasse quelque chose ?
- Je t'en prie...

Jésus envoya un crochet dans la machoire de Moise, surpris par une telle violence. Une dent éclata. La machoire douloureuse, Moise se releva, fixant Jésus d'un regard noir et lui demandant de téléphoner à son paternel.

Cinq minutes plus tard, la Mer Rouge s'ouvrait en deux et les vacanciers se ruèrent dans la breche. Les Egyptiens arrivèrent un peu plus tard, les suivirent et la Mer Rouge se referma sur eux.

Arrivés en Arabie Saoudite, les touristes commencèrent à respirer et à remercier Moise de les avoir ainsi sauvés d'une mort certaine. Comme Moise était très sportif, et malgrè sa jambe bancale, il grimpa seul le Mont Sinai, trouva des tablettes en pierre sur lesquelles étaient écrit des conneries et redescendit en pensant qu'il pourrait en tirer un bon prix au bazar de Marrakech.

On enleva les menottes des poignets du Dr. Orteman afin qu'il puisse soigner la machoire de Moise, étrangement en sang sans que personne ne sut expliquer pourquoi. Orteman remis son dernier diagnostic sur une ordonnance qu'il tendit à Moise. Moise lut. S'irrita. Pris les tablettes qui trainaient la et les brisa sur le crane d'Av. Orteman. Judas passa derrière pour nettoyer, récupéra l'ordonnance et lut.

"Dent cassée. Pont nécessaire".

Tuesday, September 1, 2009

Onirophobie

Onirophobie : peur des rêves

Sigmund se retrouvait propulsé devant le Sphinx. Face à la question posée, il sécha. Le Sphinx l'avala tout cru. Il se reveilla sur une route de campagne. Un Roi qui passait par là incognito fit arreter ses porteurs pour interroger ce clodo qui trainait le long d'une route sur laquelle il n'avait rien à faire.

- Eh, toi ! Reveille toi ? Que fais tu-là ?
- Hein ? Quoi ? Comment ? Où suis-je ?
- Tu es sur mon chemin, et tu ferais bien de trouver une explication...
- Mais je t'emmerde. Tu vois pas que je passe déjà une mauvaise journée ?
- Qui es tu pour me parler ainsi ?
- Et toi ?
- Sache, misérable, que je suis Laios, fils de Labdacos, Roi de Thèbes.
- Content pour toi. Et bien moi je suis Sigmund, fils de...euh... je suis Sigmund et c'est déjà pas mal...
- Et bien Sigmund, tu viens de prononcer tes dernières paroles!
- Qu'est ce que tu racontes, mon vieux ?

Sur ce, Laios, fils de Labdacos, Roi de Thèbes, sort son épée et décapite Sigmund.

- Au temps pour moi... il s'agissait de tes avant-dernières paroles.

Sigmund rouvre les yeux qu'il ne se souvenait pas avoir fermés. Il est dans une chambre immense et luxueuse d'un siècle indéfinissable. Il reprend ses esprits, un peu perturbé par sa récente ingurgitation par le Sphinx ou sa décapitation par Laios, fils de Labdacos, Roi de Thèbes. Il ouvre les énormes portes et se retrouve dans un gigantesque palais. Il le parcourt sans rencontrer ame qui vive. Il finit dans une cour et se pose contre la fontaine en son centre. Quand Jocaste, sa mère, surgit de l'autre coté de la fontaine, il n'est meme plus surpris.

- Sigmund ! Qu'est ce que tu fais là ?
- J'espérais que tu pourrais me le dire...
- Je ne peux pas etre toujours après toi Sigmund. Il faut que tu te prennes en main. Et tes études, où en es tu ?
- Mes études ? Mais on se fout de mes études ! Je viens de me faire dévorer par le Sphinx et décapiter par Laios, fils de Labdacos, Roi de Thèbes et tu me parles de mes études ?
- Qu'as tu dit ?!?
- Oui, je sais, c'est un peu surprenant, moi meme j'ai un peu de mal à y croire, mais...
- ... Laios... O! Mon amour ! Où es tu ???
- Euh... tu veux dire que le gars qui m'a tranché le cou, tu le connais ? Belle fréquentation... enfin, étant donnée la vie de dépravée que tu mènes, ca ne m'étonne qu'à moitié...

Par reflexe, Jocaste gifle Sigmund violemment.

- Espèce de... ! C'est ton père qui avait raison !
- De quoi ? De m'avoir abandonné a ma naissance ?
- Entre autre...
- Ah bon, et qu'est ce qu'il a fait d'autre. Il ne me connait meme pas...
- Il t'a décapité !
- Merde alors...
- Surveille ton langage.
- Tu veux dire que Labdacos est mon grand-père ?
- Tu comprends vite.

Après un long silence où Sigmund digère l'information :

- Maman ?
- Oui, mon chéri ?
- Epouse-moi !
- Non mais ca va pas bien ? Plutot etre aveugle que d'entendre ca !
- Oui, t'as raison, je sais pas ce qui m'a pris. Mais tu es si belle.
- Sigmund.
- Allez. S'il te plait. Tu n'as jamais eu envie de dépuceler ton fils ?
- Si. L'autre. Oedipe. Mais pas toi ! Et puis c'est dégueulasse.
- Allez, rien qu'une fois...
- C'est un peu le principe. Mais non. Quand je dis non, c'est non. Combien de fois faudra-t-il que je te le dise ?

Sigmund commence à forcer sa mère et à la plaquer contre le sol. Il s'apprète à la violer.

- Mais voyons Sigmund, qu'est ce que tu fais ?
- Je me suis fait bouffer et décapiter aujourd'hui, je prends mon lot de consolation.
- Mais tu es fou ma parole !
- Tel mère, tel fils !
- Arrete ca tout de suite où je demande à ton frère de s'occuper de toi.
- Tu vas te taire, chienne !
- Fils de p... euh... Imbécile !
- Tu vas te taire !

Sigmund assène un grand coup sur le crane de Jocaste qui perd conscience. Il finit alors son affaire. Une fois qu'il a fini, il entend des applaudissements. Clap, clap, clap.

- Qui est là ?
- C'est moi, Sigmund.
- Ce n'est pas possible. JE suis Sigmund.
- Prouve le.
- Je viens de me faire bouffer par le Sphinx, de tuer mon père, de violer ma mère inconsciente. Que veux tu d'autre comme preuve ?
- En effet. Irréfutable. Mais je suis également Sigmund.
- Tu sais bien que c'est impossible. Sors de ta cachette que je te voie...

De l'intérieur de la Fontaine, surgit une forme dont les contours aquatiques se dissipent peu à peu pour laisser apparaitre un etre humain dont les traits ressemblent comme deux gouttes d'eau à ceux de Sigmund.

- Tu me croies ?
- C'est impossible. Il ne peut y avoir qu'un Sigmund !
- Appelle moi "Ca" si ca te chante, mais je suis bel et bien toi...

Une troisème voix, identique, se fait alors entendre, qui provient de la terre elle-meme.

- Moi aussi.
- Qu'est ce que c'est que ce bordel ?
- Sigmund, je te présente Sigmund. Un autre toi. Tu peux l'appeler "Surmoi" si ca t'aide à nous différencier...
- Bonjour Sigmund.

A ce moment, la troisième voix prend forme un mètre derrière Jocaste, toujours étendue au sol. Un etre humain apparait qui ressemble à Sigmund.

- Arretez, vous allez me rendre fou. Vous n'etes pas réels. Vous devez etre une hallucination ! Non, mais je vous jure, quelle journée de merde.

Alors que les deux autres Sigmund, "Ca" et "Surmoi" s'avancent vers lui, Sigmund prend ses jambes à son cou et fuit aussi vite qu'il le peut. Il arrive au bord d'une falaise, toujours dans l'enceinte du Palais. "Ca" et "Surmoi" lui bloquent la retraite.

- Qu'est ce que tu vas faire Sigmund ?
- N'avancez pas ou je saute ! Si vous etes moi et que je meure, vous mourrez aussi !
- Ne sois pas ridicule. Tu crois que c'est parce que le Sphinx t'a dévoré ou que notre père biologique t'a décapité que nous sommes morts ? Non. Si tu sautes, tu vas juste rajouter un peu à ta douleur mais tu ne résoudras pas tes problèmes.
- Qu'est ce que vous savez de mes problèmes ?
- Voyons Sigmund. Nous sommes toi. Nous connaissons tes problèmes aussi bien que toi, sinon mieux, car nous, nous ne nous les cachons pas.
- Puisque vous faites les malins, allez-y, dites moi : c'est quoi mon problème ?

"Ca" et "Surmoi" se regardent.

- Vas y toi.
- Non toi.
- Non toi.
- Non toi.
- Non toi.
- Non toi.
- C'est ton tour.
- Tu rigoles. La dernière fois déjà je m'y suis collé...

Sigmund qui s'impatiente, intervient:

- La ferme !!! Je veux pas savoir. Vous etes complètement dingues !

Et il saute, sous les commentaires de "Ca" et "Surmoi" qui s'éloignent de lui à mesure que les rochers se rapprochent.

- Tout ca pour pas s'avouer qu'à 30 ans, il fait toujours pipi au lit.
- Franchement, t'aurais pu lui dire...

Plus que la douleur, c'est le bruit des os qui craquent contre les rochers qui réveillèrent Sigmund Freud de son reve, en sueur.

Pourquoi Freud était onirophobique, personne ne sut jamais le dire. Mais à cause de ce petit détail, il créa des générations entières d'anxieux. En effet, il inventa ce truc appelé psychanalyse pour donner du sens à ses reves, les controler, et moins les craindre. Moralité, il en parla autour de lui, et comme à cette époque on n'avait rien de mieux à faire, on adopta rapidement la nouvelle théorie.


Monday, August 31, 2009

Blemmophobie

Blemmophobie : peur du regard des autres.

Depuis qu'il avait balancé son pote Jésus aux flics, Judas se sentait en permanence coupable. Quand il apprit que son ami avait été tabassé à mort, il s'en mordit les doigts. Il avait du mal à s'accepter tel qu'il était. Il ne dormait plus, ne parlait plus à personne et détestait se regarder dans un miroir. Ce qu'il détestait par dessus tout, c'était de deviner dans le regard des autres le mépris qu'il méritait. Et il devinait ce regard dans les yeux de tout le monde.

Judas passa plusieurs années cloitré chez lui, à faire ses courses sur internet et à vivre de la prime obtenue pour avoir dénoncé son ami. Les premières fois où il ouvrait la porte aux livreurs, il devait rassembler son courage pendant au moins deux bonnes minutes avant de faire tourner la clé dans la serrure pour le laisser entrer. Il n'osait pas affronter leurs regards. Il était sur qu'ils le jugeaient, le toisaient, l'assassinaient de leurs yeux réprobateurs.

Judas avait le sens pratique. Il perça un trou à hauteur d'yeux dans la porte d'entrée avec sa perceuse et y introduisit une mini loupe grossissante, ce qui lui permettait ainsi de mieux se préparer aux visites inopportunes. Plus tard, quand il s'autorisa à sortir à nouveau de chez lui, obligé qu'il était après treize ans en totale autarcie, il fit breveter son invention et devint millionnaire.

Un jour, son ex, Margot, qui s'inquiétait de savoir ce qu'il devenait - après tout, n'avaient il pas vécu deux ans ensemble ? - et qui voulait clarifier une petite chose - c'est vrai ce qu'on raconte à propos de Jésus ? C'est vraiment toi qui l'a dénoncé, toi, son meilleur ami ??? - vint sonner à la porte. Utilisant son système ingénieux de trou dans la porte, il la reconnut tout de suite. La première chose qui lui vint à l'esprit, une fois la surprise passée, c'est qu'elle avait pris sacrément du poids. Sans hésiter, il ouvrit la porte. Après tout, ils étaient à égalité : elle pourrait le réprimander pour son acte puéril et enfantin de délation. Il pourrait se moquer de son récent régime...

Judas ouvrit la porte. Margot était toujours aussi belle, aussi élégante...et aussi fine ! Il s'était laissé surprendre par l'effet de la loupe grossissante. Mais il était déjà trop tard, la porte était ouverte. Il la fit entrer et elle découvrit le capharnaum dans lequel il vivait. Un vrai appart de mec puissance dix. Un appart de mec qui n'a pas mis les pieds dehors pendant des mois ! Les cadavres de bières disputaient leur place aux cartons de pizzas. Sur le mur, un rétroprojecteur projetait une partie des Sim's sur "Pause". L'odeur était pestilentielle et le bordel inommable.

- Pourquoi t'es là ?
- Je voulais savoir ce que tu devenais. Je m'inquiétais...
- C'est gentil... comme tu peux le voir, je m'occupe...
- Je vois ça.
- Bon bein, merci. Au revoir...
- Tu vas pas me le dire ?
- Quoi ? Que je regrette ? Tu rigoles ou quoi...regarde la vie de reve que je me paye grace à ça !!!
- Mouais. T'as raison. Au revoir... Adieu meme...
- C'est ca, va rejoindre ton ex...l'autre...

Elle sortit. Il claqua la porte. Il ne la revit plus jamais.

Quand les fonds de la "prime-délation" furent épuisés après 13 ans d'hibernation sociale, Judas dut trouver un nouveau moyen de subsistance. Comment faire pour éviter le regard des gens tout en gagnant sa vie quand on ne sait rien faire d'autre que dénoncer ? En attendant de pouvoir breveter son invention pour regarder à travers les portes, il devait absolument trouver quelque chose. C'était l'automne, l'hiver approchait à grand pas, il ne se sentait pas de dormir sous les ponts.

C'est un peu par hasard qu'il trouva ce boulot de saisonnier : Père Noel ! C'était parfait. Il ne craindrait plus le regard des autres, puisqu'il ne serait plus lui meme. Un gros personnage rouge et barbu le dissimulerait ! En plus il adorait les enfants ! Et étant donnée ses dernières relations, qui dataient de treize ans auparavant avec Margot, il avait emprunté la mauvaise voie pour espérer un jour s'amuser avec ses propres enfants.

Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est que le premier enfant qu'il s'appréterait à prendre sur ses genoux le démasquerait aussi sec. C'est du moins ce qu'il en conclut quand un mioche qui ne devait pas avoir huit ans, se lança à sa poursuite avec une batte de base-ball en criant des insanités que peu d'enfants de cet age sont capables de prononcer (où les avait-il apprises ? Pas sur que le gamin méritat les bons soins du Père Noel...). La mère, une certaine Catherine, essayait de controler son fils enragé et s'excusait auprès de Judas :

- Vraiment, je suis sincèrement désolée Monsieur le Pere Noel. Je peux vous garantir que mon petit Théo a été très sage cette année... mais je ne comprends pas ce qui lui a pris. Tenez, prenez cet argent, vous pourrez vous racheter un costume.

Ce que Judas comprit, c'est que toute sa vie, sa vilénie d'un jour le hanterait. Et cet enfant ne fit que lui dire : "honte à toi !" Le message était on ne peut plus clair. L'habit ne fait pas le moine.

Paternatalophobie

Paternatalophobie : peur des pères noël

Catherine était la femme parfaite. C'est du moins ce que pensait François, son mari avant qu'il n'aille la tromper avec une gamine de 16 ans. Catherine lui avait pourtant donné deux beaux enfants, Théo et Léa. Mais emporté par un élan incontrolé, il n'avait pu s'empecher de répondre aux avances de cette adolescente si innocente et si...jeune.

Elle s'était assise dans le métro en face de lui et n'arrétait pas de le dévisager. Elle était si belle avec ces yeux capables de percer n'importe quelle carapace. Puis elle se leva...pour s'asseoir juste contre lui. Le wagon était presque désert. François regardait autour pour vérifier et se demandait ce que cette lycéenne lui voulait. Elle posa sa main sur son genou et lui sussura dans l'oreille :

- J'ai peur monsieur...
- Mais de quoi as tu peur ?
- J'ai peur de vieillir. Je ne veux pas devenir un vieux légume, accariatre qui aboit sur son mari pour un oui pour un non et oublie la moitié de ce qui s'est passé la veille.
- C'est normal. Tout le monde a peur de vieillir.
- Oui, mais moi, j'ai aussi peur des vieux.
- Pourquoi tu me dis ca ?
- Parce que je ne connais qu'une seule chose pour ne pas vieillir, mais c'est un secret. Vous voulez le connaitre ?...

La curiosité étant la plus forte, il avait absolument voulu savoir de quoi il s'agissait. Ils sortirent du métro et il la suivit jusque dans le hall d'un hotel crasseux. C'est lui qui paya la chambre de l'hotel. Il la suivit dans l'ascenseur, glissa la clé dans la porte, pénétra la chambre et sans cesse une petite voix lui disait "Mais que fais tu ? Rentre chez toi ! Ne fais pas ca !"

Une fois le secret découvert et l'interdit consommé, il s'était rendu compte que la gamine n'était pas si innocente. Elle n'en était visiblement pas à son premier détournement de majeur. Ce ne fut l'histoire que d'une seule fois, mais c'était bien assez pour le ronger pour le reste de ses jours. Un sentiment de culpabilité l'envahit qui ne le quittera jamais.

Instinctivement, comme pour se racheter et se faire pardonner, il commença à redoubler les marques d'attention pour sa femme. Les fleurs à l'improviste, les week ends en amoureux, la surprise d'un restaurant étoilé, les bijoux...Catherine n'était pas dupe, elle savait que quelque chose s'était passé et qu'il tentait de l'amadouer ou de se racheter. Elle ne savait pas de quoi, mais elle se mit à détester tous ses cadeaux. Et un soir que noël approchait :

- Comment elle s'appelle ?
- Pardon ?
- Ta pouffe, celle à qui je dois toutes ces marques d'attention ?
- Chérie... Voyons...
- Ne me prends pas pour une conne. Je veux son nom...
- Mais puisque je te dis qu'il n'y a personne !
- Et ca, c'est quoi ?!?

Elle tenait dans la main une lettre, dans l'autre une petite culotte en dentelle. Elle lut.

"Vous avez oublié ceci. Je vous la laisse en souvenir. Restez jeune. La fille du métro."

François ne savait quoi dire. Comment avait elle retrouvé son adresse ? Comment ?!? Qu'est ce qui allait se passer ? Quelles étaient ses intentions ? Et Catherine, comment le prenait elle ?

- Voyons ma chérie, je ne sais pas de quoi il s'agit, c'est une mauvaise blague, rien de plus.
- Ben voyons ! Je veux que tu fasses tes valises et que tu t'en ailles. Sur le champ !
- Tu n'es pas sérieuse... et les enfants ? Qu'est ce que tu vas leur dire ?
- T'en fais pas des enfants. De toute façon, tu t'en es jamais vraiment occupé des enfants...je leur dirai que leur père est un salaud et ils comprendront...

La dispute était inévitable. Elle ne fut pas évitée. C'est d'abord la petite culotte qui vola, faisant relativement peu de dégats. Succédèrent les coussins, la vaisselle, les vases, les chaises... Théo avait cinq ans. Le bruit le réveilla. Il sortit de sa chambre pour venir voir de ses propores yeux la tempete qui soufflait dans le salon. A l'apparition de leur fils, Catherine et François firent front ensemble :

- Théo ! Va dans ta chambre ! Tout de suite ! Sinon, le père noel ne sera pas content ! Et tu n'auras pas de cadeaux !

Théo venait de découvrir le monde incohérent des adultes. Il fit ce qu'on lui dit, mais en guise de cadeau pour noel, ses parents divorcèrent. Le père noel ne faisait pas bien son travail. Il était méchant et injuste. Il décida de ne plus jamais lui faire confiance.

L'année d'après, il attendit le père noel de pied ferme dans le salon. A minuit, il était caché derrière le canapé, juste à coté du sapin. Cela faisait trois mois qu'il vivait avec sa mère et son nouveau conjoint, Paul. Les douze coups sonnèrent. Le père noel était en retard. Il attendit. Tout à coup, le gros monsieur tout rouge fit son apparition. Il s'approcha du sapin, se baissa et commença à installer les cadeaux sous le conifère. C'est le moment que choisit Théo pour sortir de sa cachette et sauter sur le père noel avec sa batte de base-ball. Il tapa, tapa, tapa. Le père noel était plus agile que ce qu'il avait pensé. Il esquiva, saisit la batte et la retourna contre lui. Violemment. Si violemment que Théo se réveilla quatre jours plus tard, dans un lit d'hopital. Maman était à ses cotés, avec Léa. Elles pleuraient. Paul n'était pas là, et maman lui expliqua qu'on ne le verrait plus. Plus jamais. Ca tombait bien, Théo n'aimait pas Paul. Et désormais il n'aimait plus du tout, mais alors plus du tout le père noel. Pire. Il en avait peur.

Sunday, August 30, 2009

Triskaïdékaphobie

Triskaïdékaphobie : peur du chiffre treize

Marie avait toujours voulu avoir un enfant, mais elle etait genophobique. Ce qui ne rendait pas la chose facile et enervait profondement son mari, Joseph. Aussi, quand Marie tomba enceinte, Joseph etait partage entre la joie d'etre bientot pere et l'inquietude de se savoir cocu. Pour conjurer le sort, il fit venir un boeuf lors de l'accouchement, afin de se sentir un peu moins seul au pays des cornus.

Jésus vit le jour un 25 decembre. Il pesait 4,2 kilos. Un bon gros bébé, avec ses petits doigts tout potelés. Dès la naissance, il fut pourri-gaté. Trois tetes couronnées aux noms improbables que Joseph n'avait jamais vues auparavant vinrent déposer devant le berceau de son fils des tonnes de cadeaux. Il était persuadé que son fils tournerait mal. Il ne se trompait pas. Et les questions à l'encontre de sa femme se bousculaient dans sa tete. Mais par fierté, il préféra les garder pour lui.

Jésus grandit. Il était très discipliné. Il tenait cela de sa mère. Il aimait les choses bien rangées, bien ordonnées. Mais par dessus tout, il avait un ego démesuré. Il adorait etre le centre de l'attention des gens autour de lui. Et quand par malheur quelque chose ne se passait pas comme prévu, il savait attirer l'attention en changeant l'eau en vin, en marchant sur l'eau ou si besoin était, en demandant à son père qu'il intervienne. Pas Joseph, mais l'Autre, son père biologique. Jusqu'à ses 33 ans, il vécut une vie heureuse, pleine de rencontres enrichissantes.

Comme Jésus était plutot sympathique, il avait plein d'amis. Et il aimait bien organiser un petit diner de temps en temps avec eux pour parler des derniers ragots en général et de Margot en particulier. C'est à dire qu'il avait un faible pour Margot. Hélàs, il n'était pas le seul. Il était sorti avec elle, mais à force de mensonges, elle s'était mise à ne plus croire en lui et était partie avec son meilleur ami, Judas.

Son dernier diner eu lieu dans son appartement, près de la Seine. Ils étaient une douzaine, parmi lesquels Paul, Pierre ou Thomas. Jésus était loin de se douter que ce serait son dernier diner. L'ambiance battait son plein, le vin coulait à flot quand on sonna à la porte. Surpris, Jésus prit congé de ses invités et alla ouvrir. Judas se tenait sur le pas de la porte. Cela faisait deux ans qu'ils ne s'étaient pas vus, pas parlé. Jésus éprouvait toujours une forte jalousie mélée de haine à l'égard de son ancien meilleur ami.

- Tu ne m'invites pas à entrer ?
- Non. Je suis avec des amis. Des vrais,
- Allez, fais pas l'enfant...

Judas s'avanca et le prit dans ses bras pour lui faire une accolade. Jésus eut un mouvement de recul et tint Judas à bout de bras.

- Que veux-tu ?
- Elle est ici ?
- Qui ca ? Margot ? Tiens, c'est drole, ca. Tu l'as perdue ?
- On s'est disputé...
- Tu ne l'as jamais méritée...
- Elle est là ou pas ?
- Rentre chez toi...
- Ne m'oblige pas, Jésus...
- Quoi ? Qu'est ce que tu vas me faire ? Tu es chez moi, ici...

A ce moment, Judas sorti son portable et composa un numéro.

- Allo ? Commissaire Pilate ? Il est à vous.

Jésus saisit le téléphone des mains de Judas et le jeta par la cage d'escalier.

- Qu'est ce que c'est que ces conneries ?
- Tu crois que je connais pas tes petites magouilles ? Ta vente de pains au marché noir ? Ta contrefaçon viticole ? Ton traffic de croix en bois ? Et bien maintenant, les flics aussi sont au courant !
- Salaud. Dégage ! Je veux plus te voir.

Deux minutes plus tard, les sirènes, les flics, la descente, le commissaire Romain Pilate, les menottes. Embarqué au poste, Jésus nia tout. Les policiers le tabassèrent dans les règles de l'art. Avec le bottin, pour pas laisser de traces. Ils frappèrent un peu fort. Jésus avait un coeur faible. Il s'écroula trop tot. On ne put le ranimer.

Quand il revint à la vie une semaine plus tard, il ne voulut plus jamais entendre parler de Judas. Et il devint extrèmement superstitieux - on le serait à moins. Judas était la 13e personne à passer le pas de sa porte le soir du diner de la Seine. Le chiffre 13 était donc synonyme de grand malheur et pour les quelques jours qui lui restaient à vivre dans cette seconde vie, il craignit le chiffre 13 comme la Peste.

Friday, August 28, 2009

Gerontophobie

Gerontophobie : peur des personnes âgées.

A six ans, Cindy était boulimique, à sept anorexique, à dix de nouveau boulimique. A douze ans, elle faisait tomber tous les garçons de quinze ans. A quinze ans, elle faisait tomber tous les garçons. Francois, mariés, deux enfants, aurait pu avoir de sérieux problèmes si Cindy était du genre à faire chanter les adultes. Mais non. Ce qui l'intéressait depuis le plus jeune age, c'était son tableau de chasse. Un point c'est tout.

Elle n'avait pas connu ses parents. Son père était parti avant sa naissance et sa mère avait eu la lacheté de mourir d'un accident de voiture alors qu'elle n'avait que deux ans. Ce sont donc ses grand-parents qui l'éduquérent, Renée et Charles, avec les avantages et les inconvénients que cela comporte.

Parmi les inconvénients non négligeables, Cindy devait reconnaitre que ses grand-parents étaient foncièrement méchants et qu'ils lui firent comprendre qu'elle était un poids supplémentaire dans leur foyer plutot qu'une bénédiction. Parmi les maigres avantages, faire le mur avec des personnes céniles pour veiller sur elle était chose aisée.

Cindy n'aurait su dire si son plus beau jour était celui de la mort de Charles ou celui de la mort de Renée deux ans après. Mais quelque part, elle leur était redevable. Ils lui avaient montré l'exemple de tout ce qu'elle ne souhaitait jamais devenir. A la mort de Renée, elle se fit la promesse de ne jamais vieillir.

C'est lors d'une chasse anodine qu'elle perdit son oeil gauche. La cible, un beau male d'une trentaine d'années, semblait innocente et peu farouche. Elle s'avéra ivre et violente. Le coup partit tout seul. Sans qu'elle ne le voit venir, elle recut un coup de touillette de cocktail en plein dans la cornée.

Avec son bandeau de pirate en travers du visage, elle devint irresistible et fit des ravages encore plus sanglants parmi la faune masculine. Son apétit d'hommes qu'on consomme et qu'on jette ne connaissait plus de limite. Ses amies l'appelaient Carnivora.

Sa gérontophobie allait croissante au fur et à mesure qu'elle vieillissait. Ne pas finir comme ca. Non. Par pitié. A 35 ans, le choix se fit entre les crèmes anti-rides et le suicide. A quarante, la chirurgie ou le suicide. A 45 ans, par fatigue, conviction et manque de choix, elle passa à l'acte. Elle manquait d'entrainement. Elle échoua. De peu.

Le Dr Pacheff fit des miracles. Il parvint à sauver Cindy d'une mort qui lui tendait les bras. Mais il ne put rien pour lui faire recouvrir sa motricité. Tétraplégique, Cindy passa le reste de sa vie allitée, à se voir enlaidir jour après jour. Et il ne lui restait plus qu'un oeil pour pleurer, s'ouvrir et se refermer sur un cauchemar de trente ans.

Thursday, August 27, 2009

Tudiculaphobie

Tudiculaphobie : peur des touilleurs de cocktails.

David avait un petit probleme d'alcool. Ce qui le rendait tres sociable. Mais avait un effet desastreux sur sa memoire. Et sur ses relations amoureuses.

Julie l'avait quitte a cause d'un exces de biere. Claire n'avait pas supporte ses debordements lors d'une soiree tequila paf. Celine avait prefere ne rien dire quand il s'etait mis a embrasser, ivre mort, une inconnue sous ses yeux. Elle s'etait contentee de lui rendre ses cles, de lui cracher dessus et de tourner les talons. Marianne... Marianne en aimait un autre.

Elodie, c'etait autre chose. Il l'aimait. Elle l'aimait. Il allait se controler pour ne pas tout ruiner. Finies les conneries, finies les beuveries. Il arreta de boire. Elodie quitta David quelques semaines plus tard. Sans l'alcool, il n'etait plus aussi drole.

Assis au bar, David reprend du service. Il sirotte. Il enchaine avec frénésie les cocktails dans une sorte d'étude comparative scientifique. Par ordre alphabétique. A mesure que la soirée avance, l'aspect professionnel de l'étude prend de la distance.

Cindy fete l'enterrement de vie de jeune fille de son amie, Clémence. Toutes les filles sont réunies dans ce bar, et Clémence, dans sa tenue de lapin, passe presque inaperçue. Assis derrière le groupe, un homme au physique agréable retient l'attention de Cindy. Seulement accompagné d'une demie-douzaine de touillettes, il n'allait pas lui échaper. Elle en fera son diner. Son métier ? Mangeuse d'hommes.

- Tu permets ?
- Hein ?
- Que je m'installe à coté de toi.
- ???
- Je m'appelle Cindy.
- David.
- Bon. A ce que je vois, tu n'es pas du genre qui parle. Alors voilà : je vais te proposer quelque chose. Tu te ressaisis et tu me rejoins aux toilettes dans deux minutes. Qu'est ce que t'en dis ?
- J'en dis que ca va mal se finir. Ca se finit toujours mal.
- Mais qu'est ce que tu racontes mon chou ? Ca va pas se finir mal, parce que ca n'aura pas commencé. Fais pas de plan sur la comete, on va juste tirer un coup.
- Mais tu comprends pas ? A chaque fois que je bois ca finit en catastrophe. Meme quand je bois pas d'ailleurs ca finit mal.
- OK. Pardon. Un psychopate. Tu sais quoi ? Laisse tomber. Je n'ai plus envie.

Elle fait mine de se lever, il la retient par la main.

- Où tu vas ?
- Je te trouvais mignon, mais depuis que tu parles, je te trouve chiant, alors tu vois, je vais rejoindre mes amies.
- J'avais raison. Ca finit toujours mal

Il tape du poing sur la table, énervé.

- Si je peux te donner un avis, faudrait que t'arretes de parler. Ca te réussit pas.
- Tu crois que je me rends pas compte que tu te fous de moi ? Non mais pour qui tu te prends ? Tu viens, tu m'aguiches et tu te casses en m'insultant. Qui t'es pour faire ca ?!
- Ecoute, je me suis trompé. OK ? Maintenant, si tu veux bien lacher ma main que je rejoigne mes amies.
- Que dalle. Tu vas finir ce que t'as commencé !
- Très romantique. Mais t'es con ou quoi ? Tu crois que j'ai encore envie ?
- Qu'est ce que je m'en fous de ce dont t'as envie ?!?
- Pauv' mec !

Cindy accompagne sa dernière réplique d'une gifle qui résonne dans tout le bar. Les amies de Cindy se tournent dans sa direction, inquiètes. Elle leur jette son regard "vous en faites pas. Encore un con. Je vous rejoins de suite".

David, piqué dans sa fierté, et ne maitrisant pas ses gestes, influencé qu'il est par l'alcool qui coule dans ses veines, saisit une touillette en plastique sur le bord de la table et frappe.

Il n'oubliera jamais ce bruit au moment du contact. Il n'oubliera jamais la chaleur du sang qui l'a éclaboussé. Il n'oubliera jamais la résistance molle de l'oeil contre la touillette. Il n'oubliera jamais le cri de Cindy qui transpersa violemment l'espace au dela de la musique du bar. Il n'oubliera pas non plus toutes ces paires d'yeux, bien valides elles, qui le dévisageaient, incrédules, mais bel et bien témoin de son acte ignoble. C'est bien la première fois qu'il se souvient d'autant de détails en état d'ivresse. Et en prison, la mémoire, c'est important. Heureusement, en prison, on ne sert pas de cocktail avec des touillettes.

Philatélophobie

Philatélophobie : peur des collections de timbres

Raymond travaillait aux PTT, derrière le guichet. Cela répondait parfaitement à son exigence d'ambition inexistante. Son grand secret, son grand plaisir, celui qui le faisait vibrer et avancer dans la vie en lui donnant un but c'était sa collection de timbres. Une collection impressionnante et illégitime. En effet, Raymond profitait de sa position pour chaparder de-ci de-là des exemplaires inestimables venant compléter sa collection. A se demander si ce n'était pas dans l'acte cleptomane lui-meme qu'il trouvait son bonheur, plus que dans le produit de ses larcins. Braver l'interdit, quoi de plus grisant ?

A quarante deux ans, Raymond traversait une crise. C'est certain. Geneviève, sa femme, le voyait s'enfermer petit à petit dans son monde, dans son bureau, entouré de ses timbres. L'homme enjoué qu'elle connaissait devint taciturne. Le divorce n'était pas encore une solution qu'elle pouvait envisager. Elle trouva autre chose : elle tomba enceinte.

Kevin naquit. Ses parents l'aimèrent. Son père était souvent absent. Physiquement, il était là, mais son esprit était absent. Et tous les soirs, il disparaissait dans son bureau dont l'accès lui était interdit. Kevin sentait bien que tout ceci n'était pas normal. Il devinait sa mère malheureuse. A six ans, Kevin n'était déjà plus vraiment un enfant.

Les crises se firent plus fréquentes. Raymond et Geneviève en vinrent à jeter les pizzas contre les murs en se criant dessus. C'était le signe qu'un point de non retour était atteint. Dans ces moments tourmentés, Kevin aurait voulu se faire tout petit. Sa compréhension de la situation le rendait systématiquement responsable de cette cacophonie familiale.

Kevin avait douze ans. Pendant plusieurs jours, il ne vit pas son père. Il s'en inquiéta. Où était-il parti ? Il ne lui avait meme pas dit au revoir. Sa mère n'était pas capable de lui répondre. L'alcool s'était emparé d'elle et elle passait le plus clair de son temps affalée sur le grand lit à marmonner des phrases incompréhensibles dans lesquelles étaient invariablement associés "ton fumier de géniteur" et "sa putain de collection de timbres". Elle laissa comprendre que Raymond se trouvait enfin à sa place, ce qui ne pouvait pas etre une très bonne nouvelle.

Kevin était le fils de son père. Son talent cleptomane était inné. Muni d'épingles à nourisse, il crocheta en cinq minutes la porte du bureau de Raymond. C'était la première fois qu'il pénétrait l'antre interdite. Il ne savait pas à quoi s'attendre. Allait-il trouver les cadavres d'une demi-douzaine de femmes, version Barbe-Bleue ? Des piles de feuilles sur lesquelles s'étalaient "un tiens vaut mieux que deux tu l'auras" à l'infini, version Shining ?

Sa première impression fut celle d'une fascination. La pièce ressemblait au vieil atelier d'un bibliothécaire fou. Des albums empilés les uns sur les autres cachaient les murs dans une sorte de véritable capharnaum. Au milieu, un petit bureau recouvert de timbres consistait en l'unique mobilier de la pièce. Les yeux de Kevin s'arrétèrent un instant sur la paire de ciseaux et la colle posées sur le bureau. Ses mains parcoururent la couverture d'un album avant de l'ouvrir. Des timbres. Combien y en avait il dans cette pièces ? Des milliers ? Des millions ? C'est alors que l'odeur lui parvint. Une odeur forte. Une odeur qu'il connaissait.

Le feu s'empara de la pièce à une vitesse prodigieuse. Kevin se trouvait emprisonné au milieu des flammes, au coeur d'un tourbillon de timbres et de cendres. L'air devint vite saturé. Ce ne furent pas les brulures ni meme la fumée asphixiante qui blessèrent le plus Kevin, mais ce rire venu d'ailleurs qui prit le dessus sur tout le reste. Sa mère, une bouteille d'alcool à bruler à la main, se tenait sur le pas de la porte et regardait la pièce s'enflammer. Et son rire de démente qui continuait et continuait. Ne pouvait elle donc se taire ? Des larmes coulèrent sur les joues de Kevin. Comme sa mère continuait de rire, il sortit de sa paralysie et se rua vers l'extérieur, vers ce rire qu'il fallait absolument faire taire.

Aujourd'hui encore, Kevin rend visite à son père et à sa mère à l'hopital psychiatrique dans lequel l'ironie a voulu qu'ils se retrouvent tous les deux. Le docteur Le Couennic prend bien soin d'eux. Mais les réunions familiales ont désormais un gout amer.

C'est en tombant sur John, son ami d'enfance, dans la cours de l'hopital, que Kevin admit qu'il avait lui aussi un problème.

- Tiens John, ca fait plaisir de te voir. Qu'est ce que tu fais là ?
- Fais attention Kevin... si je me souviens bien, tu en as toi aussi. Mefie toi d'elles. Elles vont détruire le monde. Il faut les bruler. Les bruler. Ah ! Ah ! Ah !
- Mouais. T'as raison. Moi aussi en fait j'ai un problème. J'ai regardé dans le dico, et je crois bien que je suis philatélophobique...

Wednesday, August 26, 2009

Rectophobie

Rectophobie = peur des maladies du rectum.

Marius était rectophobe. Comment cela lui est-il tombé dessus, c'est une sombre histoire.

Marius est noir. Originaire de la Martinique, il se demandait en permanence ce qu'il foutait en Métropole et se rappelait sans cesse qu'il y avait hélas une bonne raison à cela. Sa corpulence et sa musculature lui avaient permis de trouver un poste de responsable de la sécurité à la Fnac. Quand il vous parlait, on était volontiers enclin à l'écouter et à suivre scrupuleusement le conseil subtil dissimulé au sein de sa phrase favorite : "Fais pas chier".

Quand il eut huit ans, Marius quitta les Antilles avec ses parents dans un bateau. Direction Brest, d'où ils prendraient un train pour Paris. Là, un oncle les attendrait qui aurait du travail à proposer à Doudou, le père de Marius. Il jeta un dernier regard à la Martinique. Il savait que le plus beau de sa vie était désormais derrière lui.

La traversée dura une semaine. Les maux d'estomac se manifestèrent au bout de quatre heures pour ne plus le quitter jusqu'à poser le pied sur la terre ferme. Marius perdit près de 10 kilos lors du voyage. Mais le pire, ce n'étaient pas les maux d'estomac, le mal de mer, les irritations, l'absence de sommeil ou la perte d'un tiers de son poids. Le pire, c'était ce sentiment que son système digestifs était un énorme tobaggan sur lequel les aliments s'amusaient à dévaler aussi vite que possible pour passer directement de la bouche à l'anus (et parfois de la bouche à la bouche) sans passer par les sucs digestifs. Il regretta l'époque bénie des couches culottes et passa le plus clair de son temps aux toilettes. Et quand il n'y était pas, il regrettait de s'en etre tant éloigné. Il savait que le temps d'y retourner, il serait trop tard. L'humiliation prit très vite sa place dans le coeur du petit Marius.

Depuis cette funeste traversée, Marius assimila maladie du rectum et humiliation. Ce sentiment fut exacerbé lorsqu'il rendit visite au docteur Dupin. Anatole Dupin. Ce dernier, après l'avoir examiné et remis son ordonnance, le gifla violemment, comme ca, sans raison. Le sentiment de culpabilité de Marius n'en fut que renforcé et il se promit de ne plus jamais tomber malade. Il redoubla sa promesse, quand la pharmacienne déchiffrant l'ordonnance quelques minutes plus tard remis à ses parents des suppositoires.

Céphalophobie

Céphalophobie = peur des tetes.

Adolf était un enfant brimé. Artiste non reconnu, il a fait un gros caprice auquel certains ont donné un nom : la Seconde Guerre Mondiale.

Anatole était médecin. En 1939, on ne lui a pas donné le choix : il a du quitter sa femme enceinte pour rejoindre les lignes allemandes et soigner les blessés de guerre ennemis. Ce fut un déchirement. Ce qui l'attendait était pire.

Dans le camp où il était assigné, le travail ne manquait pas et les atrocités non plus. On l'appelle un jour dans une petite ferme. Les allemands qui l'encadrent n'ont pas l'air de rire. Son allemand approximatif lui fait comprendre que quelque chose de vraiment horrible a eu lieu.

Ce sont d'abord les cinq corps dans la porcherie en train de se faire dévorer par les quelques cochons chétifs qui marquèrent son attention. Il ne pouvait rien pour eux. Les uniformes étaient pliés délicatement dans l'entrée de la maison. Quand on rentrait dans le salon, on tombait sur le fermier assis sur son canapé, le regard vide, deux soldats debouts derrière lui et un caporal en face "l'interrogeant". Mais ce qui était vraiment inhabituel, ce sont les cinq tetes manquantes organisées en arc de cercle sur la table qui fixaient le propriétaire tendrement.

- Quand ils en auront fini avec le fermier, glissa le traducteur à Anatole, occupez vous de lui et remettez le sur pied pour qu'ils puissent continuer à s'amuser. Ce fumier ne mérite pas de vivre.
- Pourquoi le soigner alors ?
- Pour que ca dure plus longtemps.

Anatole soigna comme il put un etre humain qui était condamné à d'atroces souffrances. Le fermier était semi-conscient. Ses blessures étaient profondes, variées, voire originales et visiblement très douloureuses. Pendant qu'il pansait les plaies, dans la cuisine, le fermier se mit à lui parler. Anatole fit venir le traducteur.

- Ils voulaient me prendre mes derniers cochons. Ces fumiers de S.S. Ils se moquaient de moi. Ils me regardaient avec leurs yeux de démons. Alors j'ai pris mon fusil à plomb et j'ai tiré, tiré, tiré. Fumiers !
- Mais pourquoi les avoir décapités ?
- Pour pouvoir les regarder à mon tour et me moquer d'eux. Qui c'est qui a l'air d'un con maintenant ? Eux ou moi ?

Anatole ne pouvait pas trop répondre à cette question. Mais ce qu'il pouvait dire à coup sur, c'est que le fermier avait complètement perdu la tete.

Quand le caporal réapparu pour continuer l'interrogatoire, le fermier rassembla toutes les forces qu'il lui restait, saisit un hachoir à portée de main et trancha la gorge de l'officier. Le sang gicla, et la tete se desolidarisa à moitié du corps, pendouillant dans le vide dans une sorte de chorégraphie ridicule et macabre. Les deux soldats restés dans le salon accoururent, et vidèrent leur chargeur sur le fermier qui s'écroula le sourire aux lèvres.

Un mot illustre ce que ressentit Anatole à ce moment : dégout. Il en avait pourtant vu, des choses affreuses, mais il ne resista pas et ajouta son vomi au sang qui se répandait tranquillement mais surement sur tout le sol de la cuisine.

De ce jour, Anatole devint céphalophobique et se mit à gifler toutes les personnes qu'il croisait. Ce comportement socialement handicapant lui permit d'obtenir le privilège d'etre renvoyé chez lui avant la fin de la guerre. La vie devint difficile pour sa femme, Georgette, qui n'en pouvait plus d'etre giflée en permanence par son mari sans comprendre pourquoi. Heureusement, elle pouvait compter sur la guerre et les alliés qui firent tomber une bombe sur leur maison pour féter la libération. Anatole perdit l'usage de ses jambes et il lui devint plus difficile de gifler sa femme.

Pyrophobie

Pyrophobie = peur du feu

Georgette et Anatole vivaient tranquillement dans leur maison de campagne depuis qu'ils avaient pris leur retraite. La Guerre avait laissé des traces aussi bien physiques que psychologiques. Anatole se déplacait dans un fauteuil roulant et le couple ne s'exprimait plus que par des cris. A cause de leur surdité, suite à l'explosion d'une bombe sous leurs oreilles en 1944. Mais ça, personne ne le savait. Les voisins les prenaient seulement pour un couple malheureux qu'il était préférable de ne pas cottoyer.

Georgette et Anatole avaient une fille, Francoise, qui venait les voir de moins en moins souvent. A chaque fois que Francoise leur rendait visite - avec son mari et sa fille, jamais seule - ils passaient leur temps à s'engueuler. C'était à qui pouvait faire le plus de mal oralement. Claire, la petite-fille, ne comprenait pas tout à ce qui s'échangeait entre ses parents et ses grand-parents, mais papi avait cette facheuse tendance à gifler les gens dès qu'ils passaient à portée de ses mains. Alors elle passait tout son temps à se cacher dans la grange.

Une fois, Claire avait entendu une discussion entre Georgette et Francoise. Discussion qu'elle n'aurait sans doute jamais du entendre.

- Ma chérie. Ne me dis pas ce que je dois faire ou ne pas faire. Tu ne sais pas ce que c'est que de vivre avec ton père. Si je fais quoi que ce soit pour que ca change, tu sais bien ce qui m'attend. Et s'il apprend que tu es derrière moi, il n'hésitera pas à te le faire regretter.
- Mais maman ! On ne peut pas le laisser continuer à te faire tout ce mal...
- Je sais que ton père est un monstre, mon chat. Mais c'est mon mari, et quelque part, je l'aime toujours. Je ne peux pas lui en vouloir.
- Maman, arrete ! Regarde la réalité en face. Papa est un connard qui te fait du mal. Ca doit cesser. Et si ca passe par le dénoncer, meme si apres toute ces années, et bien qu'il en soit ainsi. Je veux bien m'en charger.
- Tu ne feras pas ca. Je te préviens. Ne fais pas ça.
- Alors fais le toi. La prochaine fois que je viens, si tu n'as rien fait, je m'en occupe !
- Il te le fera payer...
- On verra.

A six ans, Claire pouvait compter sur sa famille pour lui donner un modèle d'éducation idéal. Ainsi, maman et grand-maman pouvaient parler sans se crier dessus. Voilà qui était rassurant.

Trois mois plus tard, Claire et ses parents rendaient visite à nouveau à ses grand-parents. Ce serait la dernière fois. Quand l'incendie a emporté papi et mami, elle et son père étaient sur la terrasse, en train d'attendre le déjeuner. Sa mère les a rejoint, en pleurs, et la cuisine a fait boom. Les pompiers sont arrivés rapidement et ont pu contenir le feu. Mais Georgette et Anatole n'ont pas pu etre sauvés. Verdict: fuite de gaz.

Les flammes, c'était vraiment inquiétant. Surtout l'odeur qui allait avec. Depuis ce jour, Claire est devenue pyrophobique. Elle ne fumera jamais la moindre cigarette et refusera systématiquement les diners romantiques aux chandelles.

Tuesday, August 25, 2009

Génophobie

Génophobie = peur du sexe.

Jean-Edouard était un garcon comme tous les autres. Gamin, il jouait au foot, se moquait des filles, taquinait son petit frére Théodore. La sexualité n'avait aucun secret pour lui. Père le lui avait bien expliqué. Les abeilles, les graines, le gros ventre, le petit frère. Il avait pu suivre tout le procéssus avec Théo. Il n'avait pas bien compris comment mère avait pu perdre son gros ventre si vite, mais les abeilles ne devaient pas etre innocentes dans l'affaire.

Au collège, Jean-Edouard comprit un peu mieux la sexualité. Merci l'école. Le kiki et sa semence. La foufoune et ses règles. Lesquelles, il ne savait pas tres bien, mais il les suivrait scrupuleusement. Les abeilles semblaient etre completement releguees au role de spectatrice. Injustice.

En troisieme, Jean-Ed embrassa sa premiere fille. Sur la bouche. Il avait bien compris la sexualité, mais il a quand meme voulu vérifier quelque chose aupres de mère :

- Non, mon chéri, ne t'en fais pas. Ton amie ne peut pas tomber enceinte si tu l'embrasses.
- Vous etes sure, mère ? Meme si j'ai mis la langue ?

Bref, Jean- Edouard, quand il a atteint l'age d'etre sexuellement actif, était paré pour affronter le monde cruel des adultes qui ne peuvent s'empecher de crier de douleur à chaque fois qu'ils passaient à l'acte. Du moins, père et mère. Pourquoi il fallait faire la chose sachant qu'elle n'apportait visiblement que du mal, l'expert qu'il était n'aurait trop su le dire.

Paré ne veut pas dire précoce et Jean-Edouard voulait choisir la bonne personne. Alors il attendit. Attendit. Attendit. Il avait déjà 22 ans, suivait des études de psycho et cela faisait quelques semaines qu'il sortait avec la charmante Claire. Celle ci lui fit comprendre qu'elle avait envie de faire des choses. Ca tombait bien. Jean-Edouard aussi. Mais... au fait... quoi ?

C'était le week-end. Claire avait emmené Jean-Edouard et des amis dans la maison de campagne de ses grands-parents. Ceux-ci n'étaient plus de ce monde, la maison n'en présentait pas moins de charme. Bien au contraire. Les vieux étaient aigris, radins, vicieux et fondamentalement méchants. A se demander si l'incendie qui les a emporté était reellement accidentel.

Dans la grange Claire attira son chéri. Il était temps de butiner ! Jean-Edouard, intrigué, la regarda se déshabiller. Il n'osait avouer son pucelage. Encore moins qu'il n'avait jamais fait l'amour. Claire, devant la maladresse de son ami, lui preta main forte et se mit en tete de mieux lui expliquer ce qu'on attendait de lui dans ce genre de situation. Ne voulant pas décevoir, il écouta et fit comme elle lui expliquait. Ils étaient nus, dans le foin et Claire en était à expliquer la version orale. Jean- Edouard, qui comprenait vite, s'activait de toute sa langue selon les directives de son amoureuse. Mais alors qu'il était là, un peu dégoutté d'avoir sa bouche ainsi occupée (mais n'osant l'avouer) et humide, il s'est passé quelque chose qu'il n'avait pas prévu et aurait pourtant du prévoir : Cunégonde.

Cunégonde, abeille ouvriere sur le point de deserter, commencait à perdre patience. Ne lui avait on pas dit que l'on trouvait de fameuses graines dans le foin, savoureuses à souhait ? On s'était encore moqué d'elle. Mais c'était la derniere fois. C'est dans cet état d'esprit d'énervement total que se trouvait Cunégonde. Elle en voulait à la ruche entière et, de rage, elle planta son dard dans la première chose mobile venue. Et si ca devait etre une paire de fesses d'humain, et bien ainsi soit-il !

David était le meilleur ami de Jean-Edouard. A l'époque du moins. Ne sachant où se trouvait le barbecue de feu les grands-parents, David s'était mis en tete de trouver Claire, disparue soudainement de la maison, afin de lui demander où ses ancetres le cachaient. En passant devant la grange, il vit un tableau surprenant. Et la première chose qui lui vint à l'esprit ce fut de rentrer dans la maison et de le raconter aux autres.

Dix minutes plus tard, Jean-Edouard était rebaptisé par ses amis.

Ainsi "Cuni" est-il devenu génophobique. Et sa brillante carrière de psychologue n'y changea rien. Se mettre nu devant une femme lui devint aussi pénible que de manger du miel.

Profitions en pour noter que ce jour-là, Jean-Edouard est également devenu apiphobique...