Wednesday, August 26, 2009

Céphalophobie

Céphalophobie = peur des tetes.

Adolf était un enfant brimé. Artiste non reconnu, il a fait un gros caprice auquel certains ont donné un nom : la Seconde Guerre Mondiale.

Anatole était médecin. En 1939, on ne lui a pas donné le choix : il a du quitter sa femme enceinte pour rejoindre les lignes allemandes et soigner les blessés de guerre ennemis. Ce fut un déchirement. Ce qui l'attendait était pire.

Dans le camp où il était assigné, le travail ne manquait pas et les atrocités non plus. On l'appelle un jour dans une petite ferme. Les allemands qui l'encadrent n'ont pas l'air de rire. Son allemand approximatif lui fait comprendre que quelque chose de vraiment horrible a eu lieu.

Ce sont d'abord les cinq corps dans la porcherie en train de se faire dévorer par les quelques cochons chétifs qui marquèrent son attention. Il ne pouvait rien pour eux. Les uniformes étaient pliés délicatement dans l'entrée de la maison. Quand on rentrait dans le salon, on tombait sur le fermier assis sur son canapé, le regard vide, deux soldats debouts derrière lui et un caporal en face "l'interrogeant". Mais ce qui était vraiment inhabituel, ce sont les cinq tetes manquantes organisées en arc de cercle sur la table qui fixaient le propriétaire tendrement.

- Quand ils en auront fini avec le fermier, glissa le traducteur à Anatole, occupez vous de lui et remettez le sur pied pour qu'ils puissent continuer à s'amuser. Ce fumier ne mérite pas de vivre.
- Pourquoi le soigner alors ?
- Pour que ca dure plus longtemps.

Anatole soigna comme il put un etre humain qui était condamné à d'atroces souffrances. Le fermier était semi-conscient. Ses blessures étaient profondes, variées, voire originales et visiblement très douloureuses. Pendant qu'il pansait les plaies, dans la cuisine, le fermier se mit à lui parler. Anatole fit venir le traducteur.

- Ils voulaient me prendre mes derniers cochons. Ces fumiers de S.S. Ils se moquaient de moi. Ils me regardaient avec leurs yeux de démons. Alors j'ai pris mon fusil à plomb et j'ai tiré, tiré, tiré. Fumiers !
- Mais pourquoi les avoir décapités ?
- Pour pouvoir les regarder à mon tour et me moquer d'eux. Qui c'est qui a l'air d'un con maintenant ? Eux ou moi ?

Anatole ne pouvait pas trop répondre à cette question. Mais ce qu'il pouvait dire à coup sur, c'est que le fermier avait complètement perdu la tete.

Quand le caporal réapparu pour continuer l'interrogatoire, le fermier rassembla toutes les forces qu'il lui restait, saisit un hachoir à portée de main et trancha la gorge de l'officier. Le sang gicla, et la tete se desolidarisa à moitié du corps, pendouillant dans le vide dans une sorte de chorégraphie ridicule et macabre. Les deux soldats restés dans le salon accoururent, et vidèrent leur chargeur sur le fermier qui s'écroula le sourire aux lèvres.

Un mot illustre ce que ressentit Anatole à ce moment : dégout. Il en avait pourtant vu, des choses affreuses, mais il ne resista pas et ajouta son vomi au sang qui se répandait tranquillement mais surement sur tout le sol de la cuisine.

De ce jour, Anatole devint céphalophobique et se mit à gifler toutes les personnes qu'il croisait. Ce comportement socialement handicapant lui permit d'obtenir le privilège d'etre renvoyé chez lui avant la fin de la guerre. La vie devint difficile pour sa femme, Georgette, qui n'en pouvait plus d'etre giflée en permanence par son mari sans comprendre pourquoi. Heureusement, elle pouvait compter sur la guerre et les alliés qui firent tomber une bombe sur leur maison pour féter la libération. Anatole perdit l'usage de ses jambes et il lui devint plus difficile de gifler sa femme.

No comments:

Post a Comment